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avait reçu dans le corps germanique des seigneuries et des villes, françaises par la race et par la langue, plus attachées et plus liées à la France qu’à l’Allemagne, à laquelle elles restaient étrangères par les mœurs et inutiles par l’intérêt territorial. Les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun étaient de ce nombre. Metz avait été la capitale du royaume franc d’Austrasie. Sa position sur la Moselle et à l’entrée de défilés redoutables en faisait un boulevard, et sa possession, comme celle de Toul et de Verdun, n’avait rien d’agressif pour l’Allemagne. On les comptait alors au nombre de ces villes libres, agrégées à l’empire, où la souveraineté locale se partageait entre un prélat puissant et un corps municipal rival de l’évêque. Tout le passé de ces trois villes épiscopales et libres les rattachait à la France. Leur langue était la nôtre. Les évêques, qu’élisaient leurs chapitres, étaient toujours Français ; elles se mouvaient dans l’orbite de la France plutôt que dans l’orbite de l’Allemagne. En récompense du grand service rendu ou la restitution de la liberté germanique, en présence du péril où se jetait la France pour la défense de cette cause tout allemande, Maurice de Saxe, Albert de Brandebourg, le duc de Mecklembourg et les princes leurs confédérés offrirent leur concours à la France pour la substituer à la suzeraineté germanique dans ces trois évêchés. La guerre contre Charles V avec l’objectif de la liberté germanique devenait ainsi pour nous une guerre d’intérêt national, et Henri II était absous de la témérité que lui avait fait entrevoir le connétable. La correspondance et l’accord qui s’ensuivit à ce sujet entre les princes et le roi sont marqués d’une saisissante et loyale franchise. Les princes désiraient garder leur liberté d’agir pour le pur intérêt allemand et selon l’occurrence vis-à-vis de Charles V, c’est-à-dire de traiter avec lui, s’ils y trouvaient leur avantage, avec le consentement de la France cependant ; mais comme ils auraient exposé Henri II à un grand péril pour les défendre, il était confidentiellement convenu que dans toute hypothèse l’abandon de la suzeraineté germanique sur Metz, Toul et Verdun serait de leur part un fait définitif et accompli, aux risques, bien entendu, de la France relativement aux démêlés ultérieurs qu’on aurait avec Charles V.


II

L’accord établi sur ces bases, un traité secret fut signé entre les parties contractantes, et en voici les articles solennels[1]. Il est

  1. On est étonné que M. de Langenn n’ait pas imprimé ce traité parmi les pièces qu’il a jointes à son ouvrage. On peut le lire in extenso dans l’Appendice de Dumont au quatrième volume de sa collection, p. 31 et suiv. Il est en original aux Archives nationales à Paris.