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et trouver cher elle la soude nécessaire, ils examinèrent les procédés destinés à extraire cette substance du sel marin. C’est à cette occasion que Leblanc fit connaître le moyen célèbre qu’il avait découvert, et qui consiste à transformer le sel marin en sulfate de soude, puis à décomposer celui-ci par un mélange de charbon et de craie à une haute température. Grâce à cette invention considérable, la France put préparer de la soude chez elle et renoncer à celle qu’on faisait venir à grands frais de l’étranger, surtout d’Alicante.

Voilà comment les chimistes secondèrent la défense nationale et contribuèrent, avec l’illustre Carnot, à l’organisation de la victoire. La chimie joua le principal rôle dans cette suite de travaux. « Sans les lumières de cette science, disent les Annales de chimie, aurait-on fait la quantité de salpêtre, de poudre et d’armes qu’on a fabriquée depuis quatre ans ? Aurait-on eu le fer, le cuivre, l’acier, la potasse, la soude, les cuirs et tant d’autres matières précieuses qui nous ont servi à vaincre nos ennemis et à soutenir notre existence ? Sans la chimie, aurait-on perfectionné, comme on l’a fait, l’aérostation ? »

Les aérostats, de même que les télégraphes, ont été inaugurés sous la révolution ; auparavant ils n’étaient guère que de pures curiosités scientifiques. On s’en sert aujourd’hui sous d’autres formes et quelquefois pour une autre destination ; mais il est intéressant de voir que le baptême leur a été donné par la défense nationale dans nos guerres de la république. Les aérostats, dont l’invention par les frères Montgolfier était encore récente, et qui venaient d’être l’objet de tant d’expériences ; rendirent alors de grands services à l’art militaire. C’est à Guyton-Morveau que revient l’idée de cette application des ballons à l’observation des mouvemens de l’armée ennemie. Il la soumit au comité de salut public, qui l’accepta immédiatement avec la seule réserve de ne pas se servir d’acide sulfurique pour la préparation du gaz hydrogène, l’acide sulfurique s’obtenant avec le soufre, lequel était à cette époque très rare en France et indispensable à la fabrication de la poudre. On convint que l’hydrogène serait obtenu par la décomposition de l’eau au moyen, du fer porté au rouge. Coutelle, jeune physicien de talent, ami de Guyton-Morveau, fut chargé par lui des expériences relatives à la production du gaz et au gonflement des ballons. On l’installa aux Tuileries, et on mit à sa disposition un aérostat de 9 métres de diamètre avec tous les matériaux nécessaires à la préparation de l’hydrogène. Les premières tentatives furent pénibles et laborieuses, mais au bout de quelques jours la commission, satisfaite du résultat obtenu, donnait à l’aéronaute Coutelle l’ordre de partir pour la Belgique et d’aller soumettre au général Jourdan la proposition d’appliquer les aérostats aux opérations militaires.

Jourdan à la tête de l’armée de Sambre-et-Meuse venait d’envahir