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Némée les Sicyoniens, ravagea l’Acarnanie. Les vaisseaux de l’Attique se promenèrent en maîtres sur toutes les mers helléniques, et pénétrèrent jusqu’au royaume de Pont.

Enorgueillis par tant de succès, les Athéniens formèrent le projet de plus lointaines et plus vastes conquêtes ; ils songèrent à soumettre l’Égypte, Carthage et la Sicile. Périclès eut la sagesse de retenir leur ambition. Satisfait d’avoir abaissé Sparte, comprimé le soulèvement des villes tributaires, rétabli les Phocidiens dans l’intendance du temple de Delphes, désarmé les Mégariens, forcé par une invasion l’Eubée à recevoir de nombreux colons athéniens, ce grand homme conclut en 446 avec les états de la Grèce une paix de trente années qui, en assurant à Athènes la plupart de ses conquêtes, consacrait solennellement sa prééminence. C’est alors que sa prospérité prit le plus vigoureux essor, que la ville de Minerve dépassa en splendeur et en civilisation tout ce que le monde ancien avait encore offert.

Athènes, au temps dont nous parlons, était pour l’antiquité quelque chose d’analogue à ce que fut pour l’Europe la France aux beaux jours de Louis XIV. La ressemblance du caractère des deux peuples a été bien des fois signalée. Quoique le régime monarchique de notre patrie au XVIIe siècle ne présente aucune similitude avec le gouvernement athénien, on saisit pourtant entre le fils de Xantippe et celui d’Anne d’Autriche plus d’un trait commun. L’un et l’autre imposaient au peuple par la noblesse de la physionomie et la dignité du maintien. Si l’adulation dont Louis XIV était entouré l’éleva pour ses sujets presque à la hauteur d’un demi-dieu, Périclès était comparé par ses concitoyens au maître des dieux lui-même, et dans leur admiration enthousiaste ils lui avaient décerné le surnom d’Olympien. Ce que fit le monarque français, grâce à l’autorité souveraine dont il avait hérité et qu’il agrandit encore, le fils de Xantippe l’accomplit par l’habileté de sa conduite, la puissance et la souplesse de son génie. Comme le successeur de Louis XIII, il affaiblit, ruina presque le pouvoir de l’aristocratie ; il sut enlever à l’aréopage, comme le roi de France sut ravir au parlement une partie de son influence. L’opposition tracassière et imprévoyante de la faction de Cimon n’est pas sans une lointaine ressemblance avec la fronde : de même que les grands s’efforçaient sous Mazarin de gagner le peuple à leur cause en se faisant populaires, parfois populaciers, le parti à la tête duquel s’était placé le fils de Miltiade avait su momentanément capter la faveur de l’inconstant démos athénien. Périclès se l’attacha d’une façon plus durable en servant plus efficacement ses intérêts, flattant ses inclinations et jusqu’à ses faiblesses, loin de lui proposer, ainsi que l’avait fait Cimon, l’austère et orgueilleuse Sparte pour modèle. Il protégea la philosophie, les