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prédécesseur, que des mercenaires, la plupart Illyriens, il voulut que ses troupes se recrutassent surtout dans la population propre de la Macédoine. Cette armée nationale, composée d’infanterie et de cavalerie, fut bien approvisionnée. Il mit à sa tête des chefs tirés de l’aristocratie macédonienne, contre l’esprit d’indépendance de laquelle il avait eu d’abord à lutter, et introduisit chez elle une discipline plus réglée, une tactique plus intelligente. Archélaüs fortifia plusieurs de ses villes, ouvrit des routes. Il ne se borna pas à augmenter ses forces militaires, il s’efforça d’accroître ses ressources, il encouragea l’agriculture, fonda la ville de Dion, où il appela la civilisation et les arts de la Grèce ; il réunit à sa cour des artistes de ce pays : Zeuxis exécuta dans son palais des peintures qu’il paya libéralement. Il institua des jeux destinés dans sa pensée à rivaliser avec ceux d’Olympie, et ne favorisant pas moins la culture de l’intelligence que les exercices du corps, il attira dans ses états les plus illustres poètes athéniens ; Agathon résida quelque temps près de lui, ainsi que le musicien Timothée, et Euripide vint finir ses jours en Macédoine. Il tenta même de s’attacher Socrate, qui repoussa ses avances, plus sage et plus patriote que ne le fut au siècle dernier Voltaire, gagné par les cajoleries de l’Archélaüs prussien. La conduite du roi de Macédoine et celle du grand Frédéric offrent en effet une curieuse ressemblance. La Macédoine se forma, comme la Prusse, à l’école de la nation dont elle devait être par la suite la plus implacable ennemie. La reconnaissance est rarement la vertu des ambitieux, et les nations qui cherchent à s’agrandir ne font pas preuve de moins d’ingratitude que les individus qui veulent arriver. Athènes vit ses bienfaits payés par les Macédoniens de la même monnaie dont la Prusse a payé l’éducation que nous lui avons donnée.

Une suite d’agitations et de révolutions suspendit pendant près d’un demi-siècle les progrès de la Macédoine. Durant cette période, elle eut quelquefois besoin de l’amitié d’Athènes, et le retour passager de relations pacifiques ferma les yeux de celle-ci sur les projets de domination qui se préparaient à la cour de Pella. L’influence qu’avait encore leur république sur les affaires de la Macédoine était d’ailleurs bien faite pour donner le change aux Athéniens. Un instant même ils exercèrent sur ce royaume un véritable protectorat ; mais Perdiccas III, délivré de la tutelle de Ptolémée, réussit à s’en affranchir, et, tout en entretenant avec les plus beaux esprits de la Grèce des relations qui devaient contribuer à l’émancipation intellectuelle de ses sujets, il reprit le système d’agrandissemens qui allait compromettre sérieusement la puissance athénienne, menacée d’autre part par l’élévation de Thèbes.

Amphipolis avait déjà plusieurs fois réussi à secouer le joug de