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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 90.djvu/65

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seulement le médecin et le chirurgien qui suivent les armées en campagne sont attachés au service personnel d’un prince ou d’un grand seigneur. André Vesale est le médecin de Charles-Quint, Ambroise Paré est le barbier de M. de Rohan. Pendant le XVIIe siècle, le corps de santé des armées s’organise régulièrement ; mais il n’est encore qu’un acte de la munificence royale, restant presque partout à l’état de bonne intention mal comprise ou mal exécutée, comme on peut s’en assurer en lisant les curieux écrits de l’intendant Chamousset, l’ami de Rousseau. Avec le XIXe siècle, ou plutôt à partir des grandes guerres de la révolution française, le service de santé est enfin considéré comme un droit du militaire malade, une dette de l’état envers l’armée ; les officiers de santé deviennent les égaux des officiers de régiment, sans cesser toutefois d’être placés sous l’autorité presque illimitée de l’intendance. Enfin nous voici au début d’une quatrième période, pendant laquelle les chirurgiens et les médecins militaires auront tellement multiplié leurs services et pris dans la science, devant l’opinion, au milieu de l’armée et de la garde nationale reconnaissante, un si haut rang, qu’ils mériteront de conquérir bientôt une complète indépendance. Ainsi peu à peu, en quelque sorte au prix du sang et à travers les batailles, ce service, qui n’était d’abord qu’un service privé, puis une grâce royale, sera devenu de nos jours une fondation patriotique, enfin par la convention de Genève, qui neutralise les hôpitaux et ambulances, une grande institution d’humanité internationale, dont le drapeau marqué de la croix flotte dans nos rues, et fait de toutes les maisons qu’il protège un de ces anciens lieux d’asile dans lesquels la violence n’entrait pas.

C’est avec Ambroise Paré que commencent au XVIe siècle la carrière de la chirurgie militaire et aussi le réveil de la chirurgie française. Sous l’empire de préjugés absurdes, la faculté de Paris et la faculté de Montpellier avaient longtemps interdit aux médecins, comme un métier indigne d’eux, l’exercice de la chirurgie, abandonné aux barbiers, aux rebouteurs ou aux membres de la petite confrérie parisienne de Saint-Côme, gens obscurs qui ne craignaient pas de se salir les mains. MM. les docteurs régens de la faculté de Paris dédaignaient ainsi le soin des dissections et des pansemens, et ils n’écrivaient qu’en latin pour les savans, lorsqu’un barbier tout à fait inconnu publia en français, au grand ébahissement de tous, un excellent petit livre intitulé la Méthode de traicter les playes faides par les hacquebutes et aultres basions à feu, et de celles qui sont faictes par flèches, dardz et semblables, aussi des combustions spécialement faictes par la pouldre à canon. L’auteur se nommait Ambroise Paré. Il était né à Laval en 1516 d’une