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volontiers réduit au rang de stathouder général des états germaniques. Irrité de tant d’attaques, il aurait voulu faire un dernier appel au sort des armes. Il n’avait envoyé d’abord à Munster qu’un mandataire nominal ; mais la clameur publique lui arracha une démarche efficace vers la paix, et une ambassade plus sérieuse pour l’obtenir, celle du comte de Trautmannsdorf, le personnage le plus considérable de l’empire, qui a joué à Munster le rôle que M. de Talleyrand a joué à Vienne en 1815, et qui, tout en consentant à la diminution de la puissance impériale, en sauva la considération par l’influence de son esprit et de son caractère.

L’Espagne était dans une situation à peu près semblable à celle de l’empereur. En 1635, l’alliance des Provinces-Unies avec la France lui avait été fatale. Elle était battue dans les Flandres comme dans le Palatinat et en Italie ; elle avait perdu le Roussillon, la Catalogne et le Portugal. Tout faisait pressentir son épuisement et sa ruine ; mais sa fierté la soutenait. Elle était représentée à Munster par des envoyés intelligens, et cherchait l’occasion de se tirer d’un mauvais pas qu’elle entrevoyait parfaitement. Elle surprit le congrès par la subtile souplesse de ses manœuvres. Les Provinces-Unies voulaient conserver leur indépendance et leurs conquêtes ; mais elles montrèrent un médiocre souci d’aider la France à conserver les siennes. Leur conduite fut profondément politique, peu loyale et constamment méfiante. Mazarin épuisa sa finesse pour les rassurer et en obtenir l’exécution du traité de partage de 1635. La crainte d’un voisin puissant paralysa auprès d’elles tous les efforts de l’habileté diplomatique. La Suède embarrassa beaucoup aussi la France et l’Allemagne. Les princes allemands étaient décidés à tenir leurs engagemens envers la France ; ils n’étaient point dans les mêmes dispositions vis-à-vis de la Suède, qui avait, il est vrai, vis-à-vis de l’Allemagne une ambition plus exigeante que la France. Gustave-Adolphe avait fait d’un petit un grand état. La Suède, ne pouvant plus rester grande puissance par la guerre, voulait l’être par le territoire, et, pour prix de ses services, elle désirait prendre pied sur le continent germanique, y posséder la Westphalie, les évêchés de Brème et de Werden, la Poméranie au moins, et de plus elle demandait une forte somme d’argent. Ces prétentions excitaient les susceptibilités des catholiques de Westphalie, la jalousie des Provinces-Unies, dont la Suède serait devenue la voisine ; elles provoquaient surtout les réclamations des princes allemands, qui, pour prix de leur lutte de trente ans, avaient des vues d’appropriation sur les mêmes terres que les Suédois, entre autres l’électeur de Brandebourg. On voit quelle était la complication des intérêts des puissances de premier ordre à l’ouverture du congrès de Westphalie. Je ne parlerai point du duc de Lorraine, qui par son imprudence