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des armées n’a d’autorité sur le corps médical qu’en ce gai concerne l’art de guérir ; il n’a qu’un avis consultatif et il fournit seulement des notes sur le mouvement du personnel. C’est une académie de médecine et de chirurgie militaires. L’avancement a lieu sur l’avis de l’intendance, les plaintes des officiers de santé contre leurs chefs sont adressées à l’intendance. La commission de classement pour les propositions d’emploi à faire au ministre comprend deux intendant L’intendance a l’inspection administrative des écoles. Ajoutez que le choix et l’évacuation des locaux, les lits, les magasins, le matériel, les vivres, les transports, dépendent de l’intendance. Il est vraiment impossible de toucher de plus près et par plus de points au traitement des malades et à la condition des médecins. Dans un des derniers rapports militaires sur le combat de Villejuif pendant le siège de Paris, on lit ces mots : « l’intendance est arrivée sur le terrain avec les services dont elle dispose ; » sous cette formule caractéristique sont compris les vivres, les munitions et les chirurgiens. C’est une définition exacte, un aveu naïf des rapports qui subordonnent complètement le corps médical à l’administration militaire.

Après avoir constaté ces faits, je me borne à rappeler que la bonne exécution d’un service est en raison de la responsabilité de l’agent chargé de le remplir, et que la facilité du recrutement d’un corps est en raison des avantages, de l’autorité et de la considération assurés aux membres de ce corps. Voilà deux axiomes de toutes bonne administration que l’on pourrait, dans l’armée, placer sous l’autorité du maréchal de la Palice. Une curieuse statistique[1], parfaitement dressée par M. le docteur Didiot, prouve que ces lois banales sont devenues des vérités mathématiques dans le service de santé militaire. De 1846 à 1865, le nombre, des élèves a baissée et le nombre des démissions a haussé exactement dans la proportion de la justice refusée ou rendue aux membres de ce corps, traité par les Français à peu près comme les Italiens traitent les saints, passato il pericolo, gabbato il santo ; mais toutes les fois que les médecins et les chirurgiens sont insuffisans faute de recrutement, ou impuissans faute d’autorité, les soldats malades et blessés sont mal soignés. Réclamer pour les médecins, c’est donc plaider pour les cliens, et la cause d’une catégorie de fonctionnaires n’est autre que la cause de l’armée.

Trois faits mémorables devaient rendre cette conséquence visible à tous les yeux, la faire sortir du cercle des discussions techniques,

  1. Histoire statistique du corps de santé militaire, de 1846 à 1865, par le docteur Diddot, médecin ; principal ? Marseille 186S.