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la guerre était entrée déjà, la troisième, celle où nous sommes depuis la capitulation de Metz, lui semblait de beaucoup la plus sérieuse et la plus difficile ; que la France avait fait dans cette période les efforts les plus extraordinaires, et que les armées improvisées par elle étaient les plus nombreuses et les plus opiniâtres que les vainqueurs eussent encore rencontrées. Un tel aveu, d’une telle bouche, dépassait tellement mon espoir qu’au premier moment, je le confesse, il me sembla presque suspect. Je ne pouvais croire que ce roi me voulût faire un tel plaisir, et je me demandai si ce n’était pas un leurre, si la pièce n’était pas ou apocryphe ou frelatée. Puis, lorsque j’en vis clairement la provenance et que mes doutes sur ce point ne purent subsister, je poussai la défiance jusqu’à chercher si celui qui, malgré ses scrupules, donne parfois à ses paroles, comme on l’a vu plus haut, certaine élasticité, n’avait pas tant soit peu exagéré les choses pour prêter à ses troupes une plus grande gloire en grossissant l’obstacle qu’elles avaient surmonté. La thèse était subtile, elle ne tint pas debout, car dans la même feuille, à la suite de la proclamation royale, et mieux encore dans le numéro du lendemain, venaient de longs extraits de toutes les gazettes les plus accréditées en Allemagne, gazettes de Cologne, de Silésie, de Breslau, de Leipzig, racontant les nombreux combats, les batailles acharnées qui ont précédé et suivi la reprise d’Orléans, et donnant par des détails techniques et sur la position des corps et sur leur marche stratégique, aussi bien que par les observations personnelles de leurs correspondans, une idée encore plus favorable de nos armées nouvelles que ne l’avait fait le roi dans sa proclamation. Comment voudrait-on que toutes ces feuilles, de provenance et d’esprit si divers, se fussent donné le mot pour inventer tous ces détails et supposer une résistance qui n’eût pas existé, pour simuler l’étonnement, pour rendre un faux hommage à ces nouveaux soldats, elles qui toutes jusque-là ne parlaient de nos troupes qu’avec dénigrement et dédain ? Non, ce n’est pas un jeu joué, l’hypothèse est absurde. Il faut donc, n’en déplaise à nos alarmistes, à nos sceptiques, à tous ces beaux esprits gouvernés par leurs nerfs, qui semblent s’exercer à voir toujours en noir pour s’épargner, je crois, l’ennui des déceptions, ou pour se ménager d’agréables surprises ; il faut, malgré leurs dires, leurs sourires et leurs dénégations, tenir pour vrai, pour établi de par nos ennemis eux-mêmes, et partant pour incontestable, que Paris n’est pas seul à s’être mis en tête de résister à ces barbares, que la France en fait autant que lui, qu’au fond de nos provinces tout comme dans nos murs on s’enrôle, on s’arme, on s’exerce, on brave avec entrain, avec abnégation, et les rigueurs de la saison et les hasards de la bataille, les privations, les sacrifices, tous les maux de la guerre, par le seul amour du pays.

Eh bien ! cette certitude qui maintenant m’est acquise, je ne puis vous