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LES FINANCES DE L’EMPIRE.

d’action du gouvernement. Lorsque le vote a lieu par ministères, le pouvoir exécutif peut agir à sa guise dans toute l’étendue du ministère, et employer comme il l’entend la masse des crédits qui lui est allouée. Si l’on vote par sections, cette latitude n’existe que dans l’intérieur de la section, et dans l’intérieur du chapitre, si le chapitre devient la division législative. Moins le cercle est large, plus la nation exerce un contrôle efficace sur l’emploi des deniers de l’état. À mesure que la constitution absolue de 1852 a été battue en brèche et que les réformes libérales se sont introduites, on a substitué à la vaste étendue du ministère l’espace plus restreint de la section, et en dernier lieu le cadre étroit du chapitre. L’obligation pour le pouvoir exécutif de respecter les crédits alloués pour chacune de ces divisions s’appelle la spécialité. La spécialité existe non-seulement pour le chapitre, mais encore pour l’exercice, c’est-à-dire qu’il est interdit de confondre les recettes et les dépenses du budget d’une année avec celles du budget d’une année différente.

Le budget, dont le vote a lieu nécessairement avant la réalisation des faits, ne saurait être qu’une prévision. Les événemens viennent troubler les calculs les plus consciencieux, et il est alors indispensable d’apporter aux premiers chiffres les changemens commandés par les circonstances, de modifier les évaluations de recette, les voies et moyens, le montant et la nature des crédits. De nouvelles dispositions législatives doivent pourvoir à cette nécessité. Cependant les assemblées ne sont pas toujours réunies, et d’autre part les services ne peuvent être laissés en souffrance. On a donc accordé au pouvoir exécutif, sous tous les régimes, la faculté de subvenir à ces besoins imprévus. Sous la monarchie de 1830, cette faculté s’exerçait au moyen des ordonnances royales de crédits extraordinaires et supplémentaires, qui étaient converties en loi à la plus prochaine session. La constitution de 1852 mit entre les mains du gouvernement un nouveau droit, le droit de virement, qui vint se cumuler avec celui qu’il possédait déjà d’ouvrir par décret des crédits extra-budgétaires. Le budget était voté par ministères, la répartition des crédits entre les chapitres était faite par décret. Il était logique que cette répartition pût être modifiée par des décrets semblables, et qu’au lieu de pourvoir aux besoins des chapitres insuffisamment dotés par l’ouverture de nouveaux crédits, on commençât par consommer ceux qui restaient libres sur les autres chapitres. On pouvait, sans violer le principe de la spécialité, transporter d’un service sur un autre les allocations d’un même ministère. Le virement devait supprimer la presque totalité des annulations de crédits qui avaient lieu précédemment à la clôture de chaque exercice, et réduire en même temps dans