Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gauche du fleuve : à l’est, le fleuve lui-même la couvre, et au-delà du pont de bateaux le faubourg fortifié de Cassel la défend contre toute attaque venant de ce côté. Au nord, à l’ouest et au sud, depuis le ruisseau de Zalbach jusqu’à Weissenau, des fossés, une double enceinte, des forts, une citadelle, en rendent les approches très difficiles. Ces fortifications, qui ont été très augmentées depuis, pendant l’occupation française au commencement de ce siècle, auxquelles Napoléon fit travailler jusqu’en 1812, et dont lui-même surveilla plus d’une fois les travaux, constituaient déjà en 1793 une ligne de défense formidable. C’est cependant cette citadelle, rendue plus forte encore par les nouveaux ouvrages qu’y ont élevés les Allemands depuis 1815, pourvue d’un matériel de guerre considérable, que nous nous flattions d’emporter au commencement de la campagne de 1870, si nous avions réussi à pénétrer sur le territoire prussien. Voilà l’entreprise qu’on réservait à nos 200,000 soldats éparpillés sur la frontière, en leur demandant par-dessus le marché d’écraser 1 million d’Allemands. On verra par l’histoire du siège quelles difficultés attendaient notre armée dans le cas où elle aurait pénétré jusqu’au Rhin. En investissant la place, les assiégeans s’étaient partagé les rôles. Sur la rive droite, 10,000 Hessois, commandés par le général Schœnfeld, entouraient le faubourg de Cassel ; sur la rive opposée, où sont accumulés les grands obstacles, un corps d’armée autrichien formait l’aile droite de l’attaque, tandis que les Prussiens occupaient le centre et la gauche. Le quartier général du roi de Prusse, installé d’abord à Bodenheim, fut établi plus tard à Marienborn, position centrale et d’une grande importance. Pendant ce temps, deux autres armées, sous les ordres de Wurmser et du duc de Brunswick, tenaient la campagne pour surveiller les Vosges, pour barrer le chemin aux troupes de secours qui tenteraient de débloquer Mayence. La première période du siège fut marquée, du côté des Français, par une série de combats acharnés que Meunier dirigea contre les îles de l’embouchure du Mein, où il voulait empêcher les batteries ennemies de s’établir. Mayence n’est en effet défendue du côté du fleuve, même aujourd’hui, que par une simple muraille en briques percée de meurtrières et d’embrasures. L’assiégeant qui parviendrait à s’emparer de l’embouchure du Mein, au sud de Cassel, sur la rive droite, couvrirait la ville de feux, sans rencontrer de ce côté de grands obstacles. L’intrépide Meunier recommença plusieurs fois ses attaques contre les points dangereux, les prit, les perdit, et, dans un de ces engagemens, reçut au genou une blessure grave à laquelle il succomba quelques jours après. Blessé, il ne se consolait pas de ne pouvoir continuer cette guerre de surprises et d’escarmouches perpétuelles qui lui paraissait la véritable tactique de l’assiégé, par laquelle il