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propre pays au lieu d’attaquer le nôtre. Dès le 30 septembre 1792, pendant qu’ils reprenaient lentement la route de Coblentz, une pointe hardie de Custine menaçait leurs derrières mal gardés, et jetait une armée française à Spire, puis à Worms, dans la direction de Mayence. Cette place forte elle-même, qui assurait seule leur ligne de retraite et où dans leur imprudente confiance ils n’avaient laissé qu’une faible garnison, tombait entre nos mains le 21 octobre, grâce à la connivence d’une partie de la population. Ce n’étaient pas seulement nos armes qui pénétraient en Allemagne, nos idées y pénétraient avec nos soldats et y commençaient la propagande révolutionnaire. Tandis que le manifeste royaliste du duc de Brunswick n’avait excité en France qu’un sentiment de colère et de dégoût, l’appel qu’adressait le peuple français aux peuples étrangers, en invoquant les principes méconnus de la liberté et de l’égalité humaines, nous créait des alliés et des amis sur les bords du Rhin, dans la classe moyenne, parmi les jeunes gens, partout où l’on souffrait de l’inégalité des conditions, où des esprits ardens accueillaient avec enthousiasme la prochaine espérance d’une régénération sociale. Si Custine avait su profiter de cette disposition des esprits et des faciles succès qu’il venait de remporter, si Dumouriez, gardant avec lui Kellermann, avait poursuivi les Prussiens sans leur laisser de repos jusqu’au-delà de notre frontière, pour descendre ensuite le long du Rhin et prendre à revers l’armée ennemie qui opérait contre nous dans les Pays-Bas, une seule campagne eût anéanti toutes les forces de la coalition et porté les limites de la France jusqu’à la rive gauche du fleuve, — de Strasbourg à Dusseldorf. Malheureusement nos généraux opérèrent isolément, sans concert préalable, et la négligence des uns, l’incapacité des autres, permirent aux coalisés de reprendre l’offensive dès les premiers jours du printemps de 1793. Mayence, il est vrai, demeurait en notre pouvoir, mais comme une sentinelle avancée et compromise, exposée aux coups les plus dangereux de l’ennemi. Custine, si heureux l’année précédente, ne réussit ni à prévenir l’investissement de la place, ni à la secourir. Beauharnais, son successeur, ne se montra ni plus habile ni plus entreprenant. On laissa le roi de Prusse et les Autrichiens franchir le Rhin sans obstacle et enfermer dans Mayence 20,000 Français qui allaient s’y couvrir de gloire sous le commandement de Kléber, d’Aubert-Dubayet, de l’ingénieur Meunier, et sous l’énergique direction des deux représentans du peuple Rewbell et Merlin de Thionville.

Le 14 avril 1793, l’investissement de la ville fut complet malgré les efforts que, le 11 du même mois, les assiégés avaient faits pour enfoncer les lignes ennemies sur la rive droite du Rhin. On connaît la forte position de Mayence, qui s’étend en demi-cercle sur la rive