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tique, à travers des pays occupés de bonne heure par les populations finnoises. Les Scythes se sont retrouvés dans les Huns et les Hongrois du moyen âge, quand ceux-ci, représentans attardés de cette même race touranienne devenue l’ennemie commune, sont venus épouvanter l’occident de l’Europe et menacer dans son berceau la civilisation moderne.

La branche finnoise, aujourd’hui encore très nombreuse, ne paraît pas s’être rendue, quant à elle, aussi redoutable. Elle a subi au contraire, sans trop y résister et sans trop en souffrir, des dominations diverses. Il y a de nos jours, soit en Sibérie, soit dans le grand-duché de Finlande, soit dans les gouvernemens de la Russie proprement dite, toute une série de tribus ou de populations de cette origine qui ont conservé, sinon leur indépendance politique, du moins leur indépendance nationale dans ses élémens les plus intimes, tels que l’intégrité de la langue et celle des mœurs. De grandes inégalités les distinguent entre elles : tandis que les Samoièdes de la Sibérie sortent à peine d’une espèce de fétichisme, que les Lapons s’engourdissent dans une apathie irrémédiable peut-être, et que les Esthoniens se laissent absorber par les Germains ou les Slaves, les Finlandais du grand-duché forment un groupe des plus intelligens et des plus actifs. La parenté qui unit ces tribus n’en a pas moins été constatée par les preuves les plus authentiques dans ces derniers temps, surtout lorsque, à la suite d’ingénieuses recherches ethnographiques et littéraires, la communauté originelle de leurs traditions religieuses et de leurs légendes épiques s’est manifestée en traits éclatans.

I.

La Finlande, du moins celle qui forme le grand-duché de ce nom, dépendance de l’empire russe, est un pays de côtes maritimes, de beaux lacs et de forêts, au milieu desquels une population peu nombreuse relativement au sol qu’elle occupe a vécu depuis des siècles de la chasse ou de la pêche. L’aspect général en est austère, mais à la fois triste et doux. Ces grandes lignes, ces belles eaux, ces landes couvertes de bruyère, ces îles de granit couronnées de sapins, ont de tout temps charmé le patriotisme finlandais, qu’émeut aisément la pensée ou l’image de la chère Suomi. La longue solitude, retenant ces peuples en face de la nature et d’eux-mêmes, les a poétiquement inspirés dans un temps où, dépourvus encore de l’écriture et placés loin du contact des autres civilisations, ils menaient la vie simple qui favorise la spontanéité intellectuelle d’une race heureusement douée. La Finlande a eu de nos jours même un vrai et grand poète, Runeberg, dont nous avons ici naguère fait connaître