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des régions méridionales, venant près des côtes d’Angleterre, se tenaient généralement à de grandes profondeurs et les espèces boréales dans les eaux basses. Le canal de la Manche semble être la limite extrême de deux faunes très distinctes.

Les investigateurs anglais explorèrent avec une grande persistance la mer qui baigne les îles Shetland. Cette partie de l’Atlantique est sujette à de violens mouvemens de l’atmosphère ; c’est un point où l’air chaud amené par le gulf-stream se heurte avec l’air froid provenant du courant arctique, et par suite de cette circonstance la faune acquiert un intérêt exceptionnel. Des animaux des mers chaudes se laissent entraîner jusque dans la région froide, où viennent en même temps des espèces qui appartiennent essentiellement aux régions polaires. Au voisinage du petit archipel situé au nord de l’Écosse, on doit s’attendre à essuyer fréquemment la tempête, même en été, à éprouver des difficultés continuelles pour l’exécution des travaux de recherche, à endurer bien des souffrances. Heureusement les hommes de science comptent rarement avec la peine quand ils sont animés par l’espoir de faire des découvertes. En traçant le récit de sa huitième expédition au nord des îles britanniques, qui avait duré plusieurs mois de l’année 1868, M. Gwyn-Jeffryes dut songer néanmoins avec tristesse aux orages incessans qui avaient mis tant de fois obstacle aux opérations, lorsque ses amis d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse jouissaient d’un air calme et d’un beau soleil ; mais, à côté des regrets, la satisfaction devait éclater. « Chaque mille carré de la mer, dit M. Merle-Norman, l’un des compagnons de M. Jeffryes, semble avoir à livrer des trésors ignorés avant nous, et l’immensité des richesses qui reposent à la profondeur d’une, deux, trois ou quatre cents brasses ne sera peut-être pas connue de nos jours. » Dans chaque campagne, on rencontrait des formes nouvelles, on apprenait à mieux connaître la distribution géographique de certains animaux signalés comme habitant d’autres parties des mers, on observait les particularités de la vie de différens êtres, et l’on recueillait des indices sur la formation de quelques couches géologiques.

Dans les parages des îles Shetland, la plupart des explorations furent effectuées à des profondeurs variant entre 140 et 275 mètres ; on alla jusqu’à 310 mètres sur un point éloigné de 40 milles de l’île Unst, la plus occidentale de l’archipel. La moisson des êtres microscopiques, comme les rhizopodes, fut considérable ; la récolte des éponges fort abondante. Les zoophytes fournirent un contingent du plus haut intérêt : plusieurs madrépores et différens polypes étaient le sujet de l’étonnement et de l’admiration des investigateurs, de magnifiques oursins se montraient dans une profusion ex-