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traordinaire et quelques-uns d’entre eux appartenaient à des types qu’on rencontre surtout dans la Méditerranée. Les mollusques formèrent une nombreuse collection, et pour des naturalistes c’était un spectacle saisissant de voir rapprochées des espèces qui n’avaient jamais été vues que dans les régions arctiques, des espèces qu’on croyait propres à la mer qui baigne l’Europe méridionale et le nord de l’Afrique, enfin des espèces jusqu’alors seulement connues à l’état fossile, et qu’on supposait éteintes. Les crustacés, recueillis en quantité énorme, donnèrent lieu encore à d’importantes observations : tous ceux qui vivent particulièrement au-delà du cercle arctique paraissaient des individus dégénérés ; parmi les plus petits, on remarquait en foule des formes qui avaient échappé à toutes les investigations précédentes. La drague ramena de la profondeur de 80 à 90 brasses quatre espèces de poissons qu’on n’avait jamais pêchées dans les mers britanniques ; deux étaient comptées au nombre des habitans de la Méditerranée ; les deux autres n’avaient encore été observées nulle part.

Dans les parages des îles Shetland, la vie animale est d’une richesse dont on n’a pas d’exemple sur les autres côtes de l’empire britannique. Après chaque campagne, les naturalistes emportaient la conviction toujours plus forte que de longs travaux restaient à exécuter pour obtenir une connaissance complète des êtres répandus sur ce point de l’Atlantique. Jamais on ne fouilla une localité distante de quelques milles des endroits qui avaient été l’objet des explorations les plus minutieuses sans se procurer des espèces qu’on n’avait pas encore vues. Aussi les résultats généraux sont-ils vraiment instructifs. Suivant M. Jeffryes, la profondeur de l’eau exercerait beaucoup moins d’influence sur la distribution des animaux marins que la nature des lieux. Cette proposition, vraie sans doute à l’égard de plusieurs espèces, n’est pas exacte pour nombre de types caractéristiques. L’opinion du savant anglais, combattue par M. Mac-Andrew, s’était fondée sur des faits curieux et néanmoins très particuliers qu’on observe près des îles Shetland. Différentes espèces rares ou communes sont disséminées partout ; mais beaucoup d’autres demeurent confinées sur des espaces extrêmement circonscrits, et fournissent un des traits remarquables de la distribution de la vie dans cette région. Ainsi quelques crustacés appartenant au groupe des crabes à longue queue, péchés en quantité prodigieuse sur un point, n’ont presque jamais été vus ailleurs. Dans une localité, l’oursin de Norvège (Echinus norvegicus) était en telle profusion que la drague s’en trouvait constamment remplie, et dans les autres lieux d’exploration on en rencontrait rarement des individus isolés. Une de ces jolies étoiles de mer à rayons divisés qu’on appelle des comatules ou des antéions (Antedon Sarsii) était