Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses chefs ; mais il ne faut pas laisser se dissiper cette confiance, il faut savoir s’en servir.

Il y a aujourd’hui une double nécessité pour le gouvernement, une nécessité militaire et une nécessité politique. La nécessité militaire, c’est de proportionner les efforts d’une défense de plus en plus active à une situation d’une gravité trop manifestement croissante. Comment doivent se combiner ces efforts, quelle en doit être la direction ? C’est à nos chefs militaires de le savoir et d’agir. Le général Trochu a mérité jusqu’ici mieux qu’une popularité bruyante, il a inspiré une sérieuse et confiante estime. C’est par lui surtout que la défense a pris ce caractère devant lequel s’incline le Times lui-même, celui de tous les journaux anglais qui a été certainement le moins sympathique, le moins indulgent pour nous. Cette autorité que le général Trochu s’est faite, qu’il ne craigne pas de l’employer aujourd’hui. C’est le moment, ou jamais. L’essentiel est qu’on ne croie pas l’action militaire livrée à de perpétuelles oscillations.

La nécessité politique pour le gouvernement, c’est de se tenir en garde contre toute faiblesse et de ne pas avoir l’air quelquefois de transiger avec ceux qui ne demanderaient pas mieux que de le renverser et de le remplacer, au risque d’entraîner tout dans l’abîme avec eux. Les séditions, il les réprimerait sans doute ; mais il n’est peut-être pas toujours également en défense contre ce qui pourrait conduire aux séditions, et n’avons-nous pas eu tout récemment une sorte de tentative subreptice de résurrection de la commune du 31 octobre sous la forme d’une manifestation de quelques maires et de quelques adjoints de Paris ? C’était, à ce qu’il paraît, une façon de petite convention ou de comité de salut public qui encore une fois essayait de se glisser au pouvoir à la faveur de réunions périodiques où quelques-uns des chefs de nos municipalités tenaient absolument à partager la direction politique avec le gouvernement. Le maire du 19e arrondissement, M. Delescluze, s’était fait le patron naturel de cette manifestation ; quant au programme, il était certes on ne peut plus complet, tout s’y trouvait ou peu s’en faut : démission des généraux Trochu, Clément Thomas et Le Flô, renouvellement des états-majors, renvoi du conseil de guerre des généraux et officiers qui prêchent le découragement dans l’armée, adoption de mesures de salut public pour l’alimentation de Paris et pour l’adoucissement des souffrances de la population, — en d’autres termes réquisitionnement général, rationnement gratuit, etc. Moyennant tout cela et une petite commune par-dessus le marché, tout devait nécessairement aller pour le mieux. Cette tentative d’une minorité de nos municipaux a échoué non-seulement devant la résistance un peu tardive du gouvernement, mais surtout devant l’attitude des maires les plus éclairés, tels que M. Vacherot, M. Henri Martin, qui ont fermement résisté à ces velléités d’usurpation. La commune a perdu encore une fois