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la bataille, et du coup M. Delescluze, n’ayant plus rien à faire dans sa municipalité, a donné sa démission.

C’est fort bien, Paris ne s’est d’ailleurs guère ému de cette campagne nouvelle des partisans de la commune. Il y aurait pourtant quelques observations à faire sur ces vaines agitations, qui se reproduisent obstinément, et qui sont une véritable violence faite à l’esprit de la population parisienne. La première remarque, c’est que par une coïncidence singulière ces tentatives se manifestent toujours dans les momens pénibles ou avec les mauvaises nouvelles. Au 31 octobre, c’était la reddition de Metz, et aussitôt éclatent les scènes de l’Hôtel de Ville. Aujourd’hui nos vivres diminuent, le bombardement fait fureur, et voilà la campagne pour la commune révolutionnaire qui recommence. On dirait que cette malheureuse commune épie nos épreuves et nos tristesses pour les aggraver et pour les exploiter. Son apparition est un signe infaillible de détresse, et il n’est certes pas bien étonnant qu’elle irrite autant qu’elle inquiète une population qui finit par trouver insupportables toutes ces menées de factions ambitieuses. Une autre observation de bon sens qui vient naturellement à l’esprit, c’est que ces tentatives, si elles pouvaient réussir, seraient tout à la fois la plus effroyable confusion et le plus méprisant démenti d’un vote populaire. Que signifiait le scrutin du 3 novembre s’ouvrant au lendemain des scènes du 31 octobre ? C’était le désaveu le plus éclatant de cette commune révolutionnaire qu’on voulait ressusciter, c’était le maintien de la distinction essentielle entre le gouvernement politique et les pouvoirs municipaux. Le peuple a prononcé, que veulent donc encore ceux qui parlent toujours du peuple ? Il est vrai que ces grands défenseurs du peuple se moquent parfaitement de la volonté populaire, ou du moins ils ne la reconnaissent que lorsqu’elle leur donne raison, et si par hasard dans leurs entreprises ils rencontrent la majorité devant eux, si les maires de tous les autres arrondissemens de Paris refusent de se prêter à leurs usurpations, ils disent lestement que cet argument ne saurait les toucher : « tant pis pour les arrondissemens qui ont égaré leurs suffrages sur des réactionnaires ! » Une dernière remarque enfin, c’est que tous ces efforts d’usurpation révolutionnaire renouvelés dans un pareil moment sont tout à la fois un crime contre l’indépendance nationale et une oiseuse ineptie. Voilà donc ce que certains hommes appellent le patriotisme ! L’ennemi est à nos portes, il couvre de ses obus nos monumens et nos maisons, il attend l’heure où il pourra dompter Paris par la force ou par la ruse, il est prêt à profiter de tout, et c’est le moment qu’on choisit pour proposer de désorganiser la défense, de renouveler les états-majors, de tout bouleverser ! Il est clair que la plus pressante nécessité est de jeter la confusion dans cette armée qu’on a mis trois mois à refaire. Que le général Trochu et ses compagnons d’armes disparaissent, on trouvera aussitôt des généraux tout prêts dans