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car leur langue est une langue germanique, un dialecte bas-allemand. Or haut-allemand, plat-allemand, bas-allemand, ces différences de dialectes s’effacent dans l’unité allemande, qui les comprend tous. Aussi M. Bœckh ne croit-il pas nécessaire d’indiquer les frontières linguistiques qui séparent le hollandais et le flamand des dialectes allemands des bords du Rhin. « Il n’existe pas, dit-il, de frontières entre flamand et allemand, et il ne peut en exister, car l’idée d’allemand comprend celle de bas-allemand. Et cette conviction, que le particularisme des états est seul à combattre, commence à s’établir aussi en Belgique, comme le montrent les belles paroles par lesquelles un poète flamand a chanté la trinité de la langue allemande, et dont la devise est : haut-allemand, plat-allemand, bas-allemand, — allemand aujourd’hui et toujours ! »

Si l’auteur pangermaniste laisse patiemment venir le jour où la Hollande comprendra mieux son profit et son devoir, il ne montre pas la même tranquillité d’esprit à l’égard de la Belgique et de la partie flamande de nos départemens du nord. Là en effet le flamand est, paraît-il, opprimé par le français, comme l’allemand en Alsace et en Lorraine ; — le flamand ne se distingue du hollandais que par des différences orthographiques. On n’ignore pas qu’une des causes de la séparation de la Belgique d’avec le royaume néerlandais a été l’obstination du roi de Hollande à imposer le hollandais à la partie wallone de ses sujets. La Belgique est un pays wallon[1] avec de très forts élémens flamands. La langue officielle, la langue des tribunaux est la langue française : on l’enseigne dans les écoles aux enfans d’origine flamande, ainsi qu’aux enfans d’origine wallone. N’est-ce pas abominable ? Aussi se forme-t-il peu à peu en Belgique un parti flamand qui a fait entendre sa voix jusque dans le parlement belge ; une littérature populaire, dont M. Henri Conscience est le représentant le plus connu hors de Belgique, fortifie les traditions flamandes, et on voit se fonder des journaux en dialecte flamand pour propager et défendre l’idée d’une nationalité flamande. L’Allemagne suit ces symptômes avec un vif intérêt, elle encourage les promoteurs de ce mouvement ; bientôt peut-être elle menacera la Belgique d’une exécution semblable à celle du Danemark, et réclamera l’entrée de la Belgique, comme province vassale, dans l’empire d’Allemagne. Par le langage que tient M. Bœckh, appelant les Flamands de Belgique une partie précieuse de notice nation, on peut juger de l’appui que les agitateurs du parti flamand trouveraient auprès d’une Allemagne maîtresse en Europe.

  1. Le wallon est une branche de la langue d’oïl, c’est-à-dire un dialecte français.