cause de la Pologne. Ce ne sera pas pour rendre son indépendance à cette malheureuse nation, victime de l’ambition prussienne plus peut-être que de l’ambition russe ; mais le destin de la Pologne est d’être germanisée ou russifiée, et il est préférable pour l’Allemagne qu’elle soit germanisée. En outre la Russie, absorbant d’une façon définitive la plus grande partie du royaume de Pologne, pourrait, comme son héritière, revendiquer les anciennes provinces polonaises aujourd’hui détenues par la Prusse. La question des provinces polonaises s’ajoutera bientôt à celle des provinces baltiques, qui a eu un certain retentissement depuis quelques années. Dans les provinces baltiques de la Russie, la colonisation allemande a tellement pénétré l’élément finnois indigène que le germanisme se croit des droits à dominer le pays. Aussi le gouvernement russe restreint-il tous les jours les privilèges autrefois accordés aux Allemands, et c’est entre les feuilles allemandes et russes l’objet d’une polémique violente. La scission entre l’Allemagne et la Russie s’y accentue de plus en plus, et on y voit poindre faiblement encore, mais distinctement, le jour où le pangermanisme réclamera impérieusement une intervention allemande en Russie.
Les pays slaves sont traversés dans tous les sens par les flots multiples de l’émigration allemande, et il n’en est aucun qui ne comprenne un élément germanique plus ou moins nombreux. Voici, d’après les recherches statistiques de M. Bœckh, la proportion des Allemands à la population indigène en Pologne, en Hongrie, en Lithuanie et en Bohême : les Allemands sont aux Polonais comme 1 à 6 ou 8 selon les districts, — aux Magyars comme 1 à 8, — aux Lettons comme 1 à 8 ou 10, — aux Bohèmes ou Tchèques comme 1 à 10 ou 11. Il n’est pas de contrée où les émigrans allemands ne soient devenus une véritable colonie après quelques générations. Aux États-Unis, ils sont 5 millions, ayant leurs écoles, leurs associations, une presse plus florissante que celle de bien des états européens, car elle compte au-delà de 280 journaux en langue allemande, et l’influence du vote allemand est telle que le président de la république américaine, le général Grant, n’a pas osé donner une marque de sympathie effective à la république du 4 septembre. Du reste, sans sortir d’Europe, quelle partie de notre continent ne recèle pas de colonies allemandes ? En Italie, les Allemands ont des communes éparses au milieu des communes piémontaises, dans le val d’Ossola, dans le val de Sesia, dans le val d’Aoste ; ils en ont le long de l’Adige, dans le Trentin. M. Bœckh évalue le nombre des Allemands d’Italie à 31,000, et ses compatriotes n’y mesurent pas leurs prétentions à leur petit nombre, car un journal allemand du Tyrol prétendait l’an dernier que Trente est une ville allemande,