Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les Italiens y sont une immigration étrangère, et un recueil pangermaniste de Berlin reproduisait aussitôt cette curieuse démonstration. À l’extrémité orientale de l’Europe, les Allemands sont plus nombreux encore chez les Hongrois et chez les Roumains de Transylvanie. Les principautés danubiennes ont presque échappé jusqu’ici à leur colonisation ; mais la Bessarabie, leur sœur soumise au régime russe, compte déjà 26,000 Allemands. D’autres provinces de l’empire moscovite en renferment un plus grand nombre, et l’on ne s’en étonne pas lorsque l’on pense avec quelle faveur le gouvernement des tsars protégeait autrefois l’immigration allemande et l’attirait jusque dans les provinces les plus foncièrement russes. La colonisation allemande dans le grand empire du nord forme trois groupes principaux, l’un sur le golfe de Finlande, l’autre au nord de la mer d’Azof, le troisième sur les bords du Volga[1]. M. Bœckh évalue le premier groupe d’Allemands à 56,000, le second à 140,000, le troisième à 222,000 âmes. Ainsi sous toutes les latitudes on trouve des colonies allemandes laborieuses, grandissantes et prospères.

On les y trouve surtout envahissantes ; elles le seront d’autant plus désormais qu’elles se sentiront soutenues par l’empire d’Allemagne, et que la menace d’une intervention pèsera sans cesse sur les états où sont fixés des Allemands. M. Bœckh épargne volontiers la Suisse, non point par sympathie pour les libertés dont cette petite république donne l’exemple, mais parce que le pangermanisme y rencontre, provisoirement du moins, son intérêt. Le mélange des nationalités y est, dit M. Bœckh, « favorable à l’extension de la nation allemande, » car, selon lui, l’élément allemand y gagne tous les jours du terrain sur les élémens romans. Ailleurs, quand l’influence germanique ne domine pas au foyer d’une nationalité étrangère où les Allemands ont reçu l’hospitalité, M. Bœckh réclame à grands cris une protection efficace pour le développement de la colonisation allemande. Voilà pourquoi M. Bœckh fait entrer dans son « principe de la nationalité » le respect de la totalité de chaque nation, voilà pourquoi il demande que l’Allemagne assure par des traités le libre développement des Allemands à l’étranger, que « dans

  1. Par l’exemple des colonies du Volga, on peut voir avec quelle rapidité s’étendent les colonies allemandes ; j’emprunte ces détails à M. Bœckh. « En 1774, elles comptaient déjà 25,780 habitans. En partie par suite de nouvelles émigrations, en partie par leur accroissement propre, elles comptaient en 1834, d’après Kœppen, 109,000 habitans, en 1850 106,000, et en 1861, d’après Mattei, 222,000 habitans, répartis entre cent soixante-treize villages. De ces villages, trente-trois ont plus de 2,000, et trois plus de 5,000 habitans. Les premiers ont été fondés en 1708 au milieu des steppes : à mesure que l’émigration augmentait et que le terrain devenait trop étroit aux habitans, ceux-ci étendaient de tous côtés leur florissante colonisation, qui forme aujourd’hui un territoire étendu et presque d’une seule teneur.