d’usages, de pratiques, de règles de conduite, admis entre états policés et tacitement consacrés par les précédens. Or tous les précédens constatent la pratique de l’avertissement. Au siège d’Anvers, le maréchal Gérard avisa le général hollandais du jour où il jetterait ses bombes sur la citadelle. À Rome, le général Oudinot usa du même procédé, et de même avons-nous agi à Sébastopol. Voilà pour le fait lui-même des précédens. Quant au droit des gens théorique, il exige l’avertissement, comme il exige la déclaration préalable de la guerre avant le commencement des hostilités, afin que les non-combattans ou les neutres puissent se mettre à l’abri d’une attaque aussi redoutable, — raison qui est péremptoire lorsque la place assiégée est du genre mixte, comme est Paris, comme était Rome, comme était Sébastopol, places fortifiées et habitations civiles tout à la fois. Les usages contraires à ceux qu’a pratiqués la Prusse à Paris sont donc tout à la fois constans et motivés.
Sur l’absence alléguée d’autorité positive à l’appui de la doctrine de l’avertissement, l’affirmation du ministre prussien est encore faite pour surprendre. Qu’on ouvre le Code international de M. Bluntschli, dont la réputation est européenne, « il est d’usage, y lira-t-on, que l’assiégeant annonce, lorsque cela lui est possible son intention de bombarder la place, afin que les non-combattans, et spécialement les femmes et les enfans, puissent s’éloigner ou pourvoir à leur sûreté. » M. Bluntschli cite un document bien connu, c’est l’Instruction américaine, laquelle est conforme à sa doctrine, et il ajoute : « Cet usage se rattache à l’idée même de la guerre, qui est une lutte entre deux états, et non une lutte entre des particuliers. User d’autant de ménagement que possible envers ces derniers, tel est le caractère distinctif de la guerre civilisée. Aussi, pour protéger les grands centres de population contre les dangers de la guerre, on les déclare le plus souvent villes ouvertes, et même, s’il s’agit de places fortes, l’humanité exige que les habitans soient prévenus du moment de l’ouverture du feu, toutes les fois que les opérations militaires le permettent. » Voilà le pur, l’incontestable droit des gens. M. Bluntschli, qui l’enseigne, et qui écrivait ces lignes en 1869, est un notable personnage dans la science et dans le monde. Il est professeur ordinaire à l’université de Heidelberg, membre de la première chambre de Bade, député au parlement douanier allemand, correspondant de l’Institut de France. Peut-il être inconnu de M. de Bismarck ? Il est pourtant fort honoré à Berlin, et jouit de l’estime de toute l’Allemagne. Vainement le chancelier fédéral allègue-t-il encore qu’il a fait plus d’une fois pressentir à M. Jules Favre, dans sa correspondance, l’intention ou la menace du bombardement. L’expérience de M. de Bismarck lui fait ici défaut. D’après les usages consacrés, c’est par