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LA GARDE MOBILE




Le moment n’est pas venu de dégager de l’œuvre commune de la défense ce qui revient à la garde mobile ; mais je voudrais réunir les traits qui la distinguent des autres corps, esquisser la physionomie générale de cette nouvelle armée, qui est peut-être celle de l’avenir, indiquer les variétés qu’elle présente, enfin montrer dans ces jeunes gens, qui sont le pur sang de la France, non encore amalgamé dans l’esprit général de l’armée, comment des qualités particulières correspondant aux diverses régions du pays se traduisent, grâce à l’instruction du soldat, en vertus militaires.

La garde mobile, on le sait, se compose de tous les hommes de vingt à vingt-cinq ans que le hasard, par un bon numéro, ou la fortune, par le remplacement, exemptait du service actif. Ces citadins et ces paysans accourus à notre défense, les uns avec de vieux fusils, les autres sans arme aucune, ayant pour tout uniforme une blouse blanche ou bleue, ne ressemblaient à des soldats que par leur mine déjà martiale et par le silence observé dans les rangs. C’est à peine si quelques galons de coton rouge au collet de la blouse ou sur l’épaule en guise d’attente, quelquefois croisés sur le haut du bras en croix de Saint-André, distinguaient leur vêtement de celui des simples journaliers de nos villes et de nos campagnes. Un képi de la même couleur que la blouse, donné tantôt par les autorités militaires des départemens, tantôt par les municipalités et les villes qu’ils avaient traversées, complétait leur équipement. Ces recrues, qui portaient la livrée de la pauvreté, étaient en partie des enfans de familles aisées ; bon nombre de ces jeunes gens avaient « payé leur homme ; » ils laissaient une ferme, une culture importante, un commerce, une fabrique dont ils étaient la cheville ouvrière. Quelques-uns, simples soldats pourtant, étaient les hé-