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Saône-et-Loire, sont présens à Paris. C’est l’ancienne, la véritable Bourgogne. Ici nous passons sous un autre climat, et le courage de ces jeunes gens a la vigueur, la franchise des vins de leurs crus. Ceux de l’Ain, moins vifs, plus attachés à leur sol, à leurs habitudes, sont, comme les Savoisiens, les vieux Gaulois de la montagne. Ceux de Saône-et-Loire sont partagés entre deux sortes de population, les forestiers d’Autun, dont l’éducation a été faite à travers les siècles par les ordres religieux, les agriculteurs et ouvriers de Charolles, de Louhans, de Châlon et de Mâcon surtout, qui sont capables d’un enthousiasme passionné. Ces paysans, riches pour la plupart, très peu communistes, sont volontiers révolutionnaires. Paris ne s’est pas toujours montré assez dévoué aux principes de 1789 pour contenter Châlon ; Mâcon dans tous les temps agités a été montagnard. En revanche, l’étranger n’a pas d’ennemis plus acharnés, la patrie point de défenseurs plus prompts aux sacrifices. Avec la même ouverture de caractère et la même loyauté, les hommes de la Côte-d’Or sont plus fins, plus vifs, plus fertiles en saillies et en épigrammes moqueuses. Piron est né à Dijon. À ces qualités de l’esprit, les enfans de la Côte-d’Or joignent des qualités toutes militaires ; une constitution forte et sanguine est au service de leur imagination féconde et brillante. Ils ont la fougue et l’inspiration dans le combat. Ils l’ont bien prouvé dans les différentes journées de ces derniers mois. La Côte-d’Or avec son entrain s’est mise avec les départemens bretons, si solides, à la tête de cette jeune armée de mobiles dont Paris conservera longtemps la mémoire. Le colonel de Grancey, si regretté de tous ceux qui l’ont approché, commandait les excellens bataillons de ce département. Ancien marin, ayant donné sa démission après avoir servi dans toutes les campagnes de Crimée, de Chine, du Mexique, après avoir fait la guerre près de quinze ans, il avait donné sa démission pour se marier dans son pays, où il occupait par sa fortune et sa naissance une position considérable. Dans le péril où se trouvait la France, il reprit son épée. Depuis ce moment jusqu’à la terrible journée de Champigny, il appartint tout entier à ses bataillons. Au point de départ, l’autorité militaire ne lui créait que des obstacles. Officier de marine et dégagé en cette qualité de certains préjugés sur l’instruction militaire, il voulait dès l’abord exercer ses hommes au feu : on lui refusa les capsules et les cartouches. Rien ne put le décourager. En deux mois, sans un jour de plus, il fit de ses Bourguignons des soldats. Convoqués le 13 août, les bataillons de la Côte-d’Or étaient, grâce à lui, le 13 septembre à Paris, et le 13 octobre à Bagneux, où ils firent une des choses les plus difficiles pour une troupe nouvelle, la guerre des rues. C’est là qu’on put vérifier