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D’autres avocats enfin ont trouvé à utiliser dans certains emplois leurs connaissances spéciales. On s’est élevé contre ce qu’on a appelé l’ingérence du barreau dans les affaires publiques, et l’on a demandé avec aigreur si la robe de bure couvrait nécessairement des talens aussi divers. La malignité s’est mise de la partie, si bien que peu s’en est fallu que le barreau ne parût menacé d’être surpris en flagrant délit d’usurpation dans les différentes sphères de l’administration publique. Il serait dérisoire de se livrer à des calculs comparatifs pour savoir jusqu’à quel point le barreau mérite ce reproche, il ne le serait pas moins de s’appesantir sur la composition du gouvernement de la défense nationale, puisqu’il fut formé des seuls députés du département de la Seine, et que ces députés n’appartenaient pas exclusivement au barreau ; n’oublions pas non plus, bien que ce soit l’histoire d’hier, qu’il fut des heures difficiles où le barreau vint résolument au secours de la presse, c’est-à-dire au secours du pays réduit au silence. Pendant qu’un petit groupe à la chambre tenait tête contre une majorité compacte, d’énergiques défenses se faisaient entendre ailleurs, et les noms de Berryer, Dufaure, Jules Favre et tant d’autres disent assez les services rendus à la cause de la liberté devant la justice.

S’il en est ainsi, s’il est vrai que le barreau, à la chambre et dans les causes de la presse, ait lutté avec persistance contre les audacieux abus et les déprédations du gouvernement tombé, qu’y a-t-il de surprenant qu’au jour de la chute les regards se soient tournés vers ceux qui avaient le plus énergiquement combattu, et que ceux-ci, touchés à leur tour de cette gratitude, aient encore essayé de conjurer les nouveaux périls dont il restait menacé ? Soyons donc plus constans, plus justes, et ne cherchons point à nier que les membres distingués du barreau qui se sont trouvés dès le premier jour à la tête des affaires aient pleinement rassuré le pays. Dans leurs mains, loin de vaciller, le drapeau de la défense a été tenu haut et ferme. Qui donc n’a pas battu des mains à ces loyales et éloquentes circulaires qui ont rappelé le pays à lui-même et l’ont si subitement électrisé ? C’étaient là non pas seulement de grandes pages pour notre histoire, comme l’a si bien dit le bâtonnier de l’ordre, M. Rousse ; c’étaient aussi de nobles protestations qui sauvaient en définitive l’honneur national. Voilà ce qu’il était bon de rappeler peut-être, afin qu’il ne se glissât aucun malentendu entre le pays et les hommes qui ont essayé, mais en vain, hélas ! de le tirer de l’abime, et qui ne tarderont pas à remettre leurs pouvoirs d’un instant à qui sera désigné par le pays lui-même, dès qu’il sera rentré dans la plénitude de son indépendance et de ses droits. Alors sans aucun doute, il sera fait appel à toutes les bonnes volontés, à tous les courages, à ceux en un mot qui, par leur autorité et leur