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stacles dans la Franche-Comté ou comté de Bourgogne, dont s’était emparé Conrad le Salique. Les migrations suèves et alémaniques s’étaient arrêtées aux derniers contre-forts des Vosges et à la chaîne du Jura, et le fond de la population purement séquanais avait absorbé dans cette province les conquérans burgundes. Les invasions par masses armées des Allemands cessèrent à partir des ixe et xe siècles. L’empire germanique resserrait ses forces pour se constituer et repousser les populations slaves qui y avaient pris racine. Toutefois, durant la période dont il est ici parlé, deux fois une armée allemande menaça la France d’une invasion. Si Louis le Gros n’avait réuni en toute hâte ses vassaux et opposé à l’empereur Henri V une armée immense pour le temps, les plaines de la Champagne auraient été foulées par les hordes germaniques. À Bouvines, Philippe-Auguste défît une armée allemande que faisait avancer pour nous envahir l’empereur Othon IV, allié du comte de Flandre, dont il cherchait à placer les états sous sa suzeraineté.


II.

Ce qui détournait surtout de la France les projets envahissans de l’Allemagne, c’est que les visées de celle-ci se dirigeaient de plus en plus vers l’Italie. Les irruptions des Goths et des Lombards prouvent que la péninsule n’excitait pas moins que nos fertiles campagnes la convoitise germanique. Charlemagne avait étendu la main sur cette riche proie plus pour y dominer par l’ascendant de son génie que pour en partager les terres entre ses officiers. Appelé par le saint-siège, il l’avait défendu contre des barbares de la même race que son peuple qui aspiraient à l’asservir. Héritiers partiaires de l’empire du fils de Pépin le Bref, les Carolingiens de France et ceux d’Allemagne se disputèrent l’Italie, qui avait d’abord passé au fils aîné de Lothaire Ier. Charles le Chauve et Carloman, fils de Louis le Germanique, traversèrent chacun de son côté les Alpes pour s’emparer de ce qu’ils regardaient comme le patrimoine par excellence de l’empire, comme la terre dont la possession les constituait héritiers directs des césars. Effrayés des conséquences du duel auquel ils allaient se livrer, les deux monarques rebroussèrent chemin ; mais la lutte recommença bientôt avec d’autant plus de ténacité que les prétentions rivales avaient chacune au-delà des monts leurs adhérens. Suspendue au temps de Charles le Gros, qui rétablit un moment dans son unité l’empire de Charlemagne, elle reprit sous une autre forme, quand les progrès de la féodalité eurent réduit l’autorité de la couronne de fer et créé une foule de principautés indépendantes. Alors la domination spirituelle et morale des papes remplaça en Italie celle qu’avec un tout autre caractère avaient jadis exercée