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une occasion excellente pour donner cours à ses passions anticléricales. Pendant toute la durée de cette lutte, nous le voyons à côté du roi, recevant ses inspirations, lui fournissant des argumens, tenant la plume pour défendre les droits de la couronne. Lui-même nous apprend que, « le samedi qui précéda le dimanche de la publication de l’iniquité papale, » c’est-à-dire de la bulle Ausculta fili, il composa et remit à un de ses amis un traité contenant des raisons irréfutables (rationes inconvincibiles) pour le roi contre le pape. La bulle Ausculta fili est datée du 5 décembre 1301 ; elle arriva probablement à Paris au mois de janvier 1302. L’écrit que composa dans cette occasion l’avocat de Coutances dut par conséquent être rédigé dans les premiers jours de 1302.

Cet écrit nous a été conservé. On sait qu’à la bulle Ausculta fili le gouvernement de Philippe le Bel substitua une fausse bulle Scire te volumus, où les principes de Boniface VIII étaient présentés sous la forme la plus brutale et la plus injurieuse pour le roi. On attribue d’ordinaire la rédaction de cette bulle à Pierre Flotte. Du Bois fut-il dupe d’une supercherie dont les auteurs n’étaient pas loin de lui ? Il est permis d’en douter. Il faut au moins qu’il ait été bien avant dans les confidences de la cour, puisque la veille du jour où devait être publiée la bulle Ausculta fili il réfutait une bulle prétendue qui en était la contrefaçon. Nous verrons bientôt qu’à un âpre bon sens et à une extrême fermeté dans ses opinions, Du Bois ne joignait pas beaucoup de scrupules sur le choix des moyens.

L’ami auquel Pierre Du Bois remit son traité joua lui-même un rôle dans ce grand différend. C’était un Normand nommé Richard de Neveu. Il avait été longtemps archidiacre d’Auge dans le diocèse de Rouen. Il fut chargé en 1301, avec le vidame d’Amiens, d’arrêter Bernard de Saisset. Plus prudent que le vidame, qui mourut excommunié, Richard évita de tremper publiquement dans cet acte, dont il avait été le promoteur. Il obtint en récompense de ses services l’évêché de Béziers ; mais il n’en jouit pas longtemps, et l’on crut voir dans la maladie dont il mourut une punition du ciel. Le traité que Richard de Neveu reçut de son ami pour le remettre à Philippe le Bel est certainement un des factums les plus violens qu’on ait jamais écrits contre la papauté. Le pape y est traité d’hérétique ; c’est par zèle pour la foi que le roi et ses fidèles sujets doivent s’opposer à des prétentions condamnées par l’histoire, par l’ancien et le Nouveau-Testament, par les canons.

Philippe le Bel, voulant opposer à la plus grande autorité que connût l’Europe latine une force capable de lui résister, fit un appel hardi à la nation, et convoqua pour le 8 avril 1302 l’assemblée qu’on peut regarder à quelques égards comme les premiers états-généraux de la monarchie. Pierre Du Bois y représenta la ville de Cou-