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si bien faite que cette analyse équivaut au texte lui-même. Les preuves par lesquelles M. de Wailly a établi que l’ouvrage est de Pierre Du Bois nous dispensent d’entrer à cet égard dans de plus amples explications. Les découvertes faites depuis par M. Boutaric ont confirmé l’opinion de M. de Wailly.

L’auteur commence par remarquer que la guerre, qu’il tient avec raison pour le plus grand des fléaux, ne se fait plus comme autrefois. On cherche à éviter le choc direct de la chevalerie ; on a recours à des manœuvres, à des marches, à des engins. L’infanterie a pris plus d’importance que la chevalerie, laquelle ne sait pas bien faire les sièges. Il faut donc tâcher de livrer le moins possible de batailles. Quand les grands vassaux se révoltent, il faut ravager leurs terres ou les réduire par la famine. Il est vrai que Charlemagne en agissait autrement. L’auteur répond d’abord que Charlemagne, à cause de sa longévité extraordinaire et de son ardeur infatigable, n’était pas obligé d’éviter les guerres longues et pénibles. Ainsi, lorsqu’à son retour d’Espagne, où il avait combattu continuellement pendant trente ou trente-deux ans, les ambassadeurs du pape Adrien implorèrent son secours contre Didier, roi des Lombards, il proposa tout de suite à ses barons de partir pour l’Italie, et il les força de le suivre sans leur permettre même d’entrer dans leurs maisons. En second lieu, Charlemagne a presque toujours combattu les païens, qu’il est avantageux de tuer. Enfin il n’aurait pu tenter d’affamer ses ennemis, parce que la population, qui était peu nombreuse alors, trouvait dans de vastes forêts le gibier nécessaire à son existence ; mais aujourd’hui tout est changé. L’accroissement prodigieux de la population, la brièveté de la vie, la délicatesse des habitudes, sont autant de causes qui obligent à modifier l’ancienne tactique militaire.

On croirait qu’après de tels conseils l’auteur va être fort opposé aux idées de conquêtes étrangères ; il n’en est rien. Tout le monde est d’accord, selon lui, pour désirer que l’univers soit soumis aux Français, pourvu toutefois que leur roi soit engendré, mis au monde, élevé et instruit en France, où l’expérience a prouvé que les astres se présentent sous un meilleur aspect et exercent une influence plus heureuse que dans les autres pays. « En effet, dit-il, la prouesse et le caractère des fils que les Français engendrent dans les pays étrangers s’altèrent presque toujours, au moins à la troisième ou quatrième génération, ainsi qu’on a pu l’observer jadis. » Comment s’y prendre pour que tous les pays sans injustice soient soumis aux Français ? Du Bois expose à ce propos le plan qui paraît avoir été l’idée fixe des derniers Capétiens, et qui consistait à se servir de la papauté pour arriver à la domination universelle, sauf ensuite à réduire la papauté à un rôle subalterne.