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lui baisa le front et les lèvres. — Ah ! mon Dieu ! s’écria la grande-maîtresse du palais, une vieille, raide et impassible comtesse de Vosz, que le prince royal appelait plaisamment la Dame d’Étiquette, que faites-vous ? Cela est contraire à tous les usages de la cour ! — Eh quoi ! répondit la princesse Louise, ne pourrai-je donc plus recommencer ? — Les fêtes durèrent plusieurs jours, et la cérémonie du double mariage s’accomplit la veille du jour de Noël de 1793. Aux fêtes de Noël succédèrent les fêtes du carnaval, et l’année 1794 se serait passée tout entière en cérémonies et en réjouissances publiques, si les deux époux n’avaient préféré la vie simple qu’ils trouvèrent à Oraniembourg et surtout dans la petite résidence de Paretz, particulièrement chère au prince royal. L’année 1795 fut encore une année de joie, car ce fut l’année de la naissance du premier fils de la princesse royale ; mais elle eut la douleur de voir mourir en 1796 le jeune mari de sa sœur, puis la veuve du grand Frédéric, âgée de quatre-vingt-deux ans. Le roi Frédéric-Guillaume II, son petit-neveu, la suivit au tombeau à la fin de 1797, et à vingt et un ans la reine Louise, dans tout l’éclat de la beauté, prenait place sur le trône de Prusse avec Frédéric-Guillaume III, à qui elle venait de donner un second fils, le roi actuel, né le 22 mars 1797.

À peine le deuil royal terminé, les deux souverains partirent pour se présenter à toutes les provinces du royaume. Ce long voyage fut encore un long triomphe. À Stuttgard, en Poméranie, à Cüstrin, à Dantzig, à Kœnigsberg, ce ne furent que revues, banquets, bals, feux de joie. La réception fut magnifique à Varsovie. La reine dansa au bal donné par le comte de Hoym, et pendant la nuit les jardins du palais Leczinski furent illuminés de plus de soixante-sept mille lampes ; mais l’enthousiasme, les acclamations, l’allégresse, furent surtout indescriptibles dans les villes et les villages de la Silésie, où la reine Louise reçut partout le nom qu’elle a toujours porté depuis, Landes Mutter, mère du pays. Le retour à Berlin fut suivi de l’hommage des députations des autres provinces. La naissance de la princesse qui devait devenir l’impératrice de Russie mit le comble au bonheur de ces années enivrantes. Un nouveau voyage à travers le royaume rendit plus générale encore la popularité de la reine, dont le noble visage s’animait en tous lieux de cet éclat particulier que la joie ajoute à la beauté. Ce fut dans ce voyage qu’elle assista, en 1799, à un tournoi dont elle fut la dame, vrai tournoi de chevaliers précédés de bannières aux couleurs variées, revêtus d’armures étincelantes, dans la cour du château gothique de Furstenstein, appartenant au comte de Hochberg. Rien ne vint interrompre cette série de jours heureux jusqu’à l’an-