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avec les autres. Ici des commissions agissent tantôt d’une manière indépendante, tantôt sous la direction d’un comité, tantôt sous celle de plusieurs, dont la compétence à cet égard n’est pas même définitivement réglée ; là des agences se disputent des attributions qu’elles ne réclament que pour les livrer à l’inexpérience inhabile de quelques jeunes gens sans instruction ou de quelques employés sans intelligence ; ailleurs des bureaux sans travail, des commis sans occupation ; partout des salaires sans nécessité et dix mille employés peut-être dans cette seule commune dont la fonction la plus habituelle et la plus exactement remplie est d’obstruer à une certaine heure les rues d’un de ses quartiers… De pareils désordres sont intolérables. »

Ce rapport ne semble-t-il pas écrit d’hier ? Certes l’administration de la ville de Paris laissait fort à désirer à la veille du 4 septembre ; mais du moins l’état-major administratif de l’Hôtel de Ville et des mairies possédait l’expérience de ses fonctions, il était au courant des services, et il pouvait en conséquence les diriger, tandis que le nouvel état-major, quelle que fût sa bonne volonté, était obligé de faire son apprentissage, en admettant qu’il daignât s’y abaisser, et d’abandonner en attendant aux subalternes de l’ancien régime la direction réelle de tous les services du régime nouveau. Faut-il s’étonner après cela si la population a eu froid, si elle a eu faim, si elle a fait queue aux mairies, aux cantines, aux chantiers de bois, aux boucheries, aux boulangeries ? Faudra-t-il s’étonner plus tard si les dépenses administratives de la ville de Paris et de ses divers arrondissemens se traduisent par des chiffres imprévus et formidables ?


II.

Nous avons passé en revue dans une précédente étude[1] les mesures prises pendant la première période du siège concernant les subsistances. Dans le courant du mois de décembre, la question du combustible acquit tout à coup une gravité extraordinaire. Les provisions de bois de chauffage étaient peu abondantes ; mais le stock de charbon de terre destiné à l’alimentation des locomotives, à la fabrication du gaz, aux usages industriels, aurait été fort suffisant pour subvenir à tous les besoins de la consommation domestique, si l’on n’en avait point employé la plus grande partie à la fonte des canons. La population, peu au courant des choses de la guerre, s’était imaginé, on s’en souvient, qu’il suffirait de fondre des canons pour assurer le succès de la « trouée, » et M. Dorian devint un moment populaire pour avoir flatté cette illusion. On entreprit donc de fondre des canons, et, après bien des essais malheureux, on finit, quoique un peu tard, par y réussir ; mais ces essais avaient absorbé d’énormes quantités de combustible, et, quand les froids

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1870.