S’il était chimérique de croire avec certains philosophes que la guerre n’éclaterait plus désormais entre les peuples civilisés, du moins pouvait-on espérer ne plus revoir les scènes sanglantes des temps passés. Depuis 1815, après une longue série de batailles à laquelle avaient généralement succédé en Europe des goûts et des besoins pacifiques, un sentiment plus élevé de la solidarité des peuples, un respect plus grand de la vie humaine, on semblait à jamais délivré de ces luttes à outrance où, comme au moyen âge, le vainqueur se croit tout permis pour écraser le vaincu. Pendant les deux campagnes de Crimée et d’Italie, sauf certains actes de pillage ou de barbarie individuelle, qu’il ne dépend d’aucun chef de prévenir absolument, il ne s’était rien produit qui offensât l’humanité, et qui, une fois le combat fini, dût laisser entre les adversaires quelques germes de haine. Ni les Russes, ni les Autrichiens ne nous reprochaient d’avoir aggravé leur défaite en les faisant souffrir au-delà de ce qu’exigeaient les cruelles nécessités de la guerre. Vainqueurs et vaincus pouvaient se rencontrer, quelques années plus tard, sans qu’aucun ressentiment eût survécu à la durée de la lutte.
Il était réservé à l’Allemagne, à la patrie des théoriciens et des philosophes humanitaires, au peuple qui se prétend par la bouche