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lières à Pierre Du Bois est si bien fermé, que ses différens écrits doivent tous être considérés comme des arrangemens différens d’un même ouvrage. Les idées de Du Bois peuvent du reste se réduire à une seule : accroissement du pouvoir royal. Le roi, pour notre légiste, n’est plus le roi du moyen âge, dont saint Louis est l’image la plus parfaite ; c’est déjà un Louis XIV personnifiant l’état, ne s’appartenant pas à lui-même, ne faisant pas la guerre, se montrant à peine, chargé surtout de produire une nombreuse famille de princes, et de l’élever sous les meilleures influences possible, — une sorte d’être de raison, ou plutôt d’être divin représentant la société tout entière. Du Bois lui recommande une inviolable loyauté en fait de monnaies, une grande modération dans l’établissement des impôts, une parfaite légalité dans la réquisition du service militaire. Il conseille de substituer l’infanterie à la cavalerie : il propose de donner aux troupes des uniformes ; les rébellions des grands vassaux, jusque-là considérées comme des actes de légitime indépendance, sont à ses yeux des crimes dignes de mort. Ses vues sur la réforme judiciaire sont meilleures encore. Il veut abréger les procès et les rendre moins coûteux ; les principes tout français d’un code uniforme, d’un droit égal pour tous, ce qu’on peut appeler l’idéal juridique de la révolution tel qu’on le trouve dans d’Aguesseau par exemple, percent clairement dans ses écrits. Des questions d’intérêt se mêlaient sans doute au zèle des justiciers civils qui, comme lui, livrèrent un si rude assaut aux juridictions ecclésiastiques. Un vrai sentiment du bien paraît cependant avoir animé par momens ces âpres hommes de loi, et l’esprit moderne doit à quelques égards les compter parmi ses fondateurs.

Les idées de Du Bois sur l’église sont des plus caractérisées. Du Bois n’est pas homme d’église ; mais il vit et s’enrichit des biens de l’église. Cette catégorie de personnes a toujours fourni d’ardens ennemis de la propriété cléricale, de fougueux gallicans, des juristes passionnés pour les réformes. Il suffit de se rappeler la fin du XVIIIe siècle et les premiers temps de la révolution. On sent chez eux la mauvaise humeur prosaïque de l’homme d’affaires qui voit qu’il y aurait à tirer des biens dont il n’est que le gérant plus de revenu que l’église n’en tire, et qui, à son point de vue borné d’économie, se dit : Utquid perditio hœc ? Du Bois montre avec un rare bon sens laïque que la souveraineté temporelle du pape, loin de servir à son rôle spirituel, lui cause d’énormes embarras en l’obligeant sans cesse à faire ce qu’il défend aux autres. Le remède qu’il imagine est que le pape cède à un prince, à titre d’emphytéose, le patrimoine de saint Pierre moyennant une pension égale à son revenu net, et qu’il réside ensuite dans la ville qu’il choisira. À ses yeux, c’est un très grand mal que la papauté soit une puissance tempo-