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les esprits pendant trois semaines ou un mois de la seule affaire pressante, la défense du pays. — Le 27 octobre, Metz capitulait. M. Gambetta lança une foudroyante proclamation, conviant les Français à élever leurs âmes et leurs résolutions. Bazaine était hautement accusé de trahison. Les résultats de cette proclamation furent moralement désastreux. Dans nombre de villes du midi, des désordres se commirent ; des généraux à Grenoble, à Perpignan, furent accusés de complicité dans les trahisons de l’empire. Cambriels, Barral, d’autres encore furent soit emprisonnés par les préfets, soit accablés d’outrages par la foule. À Perpignan notamment, des scènes hideuses de férocité et de sauvagerie se commirent contre d’innocens officiers, impitoyablement et lentement massacrés par la populace. À Tours, une démonstration eut lieu pour demander à M. Gambetta la révocation de Bourbaki, devenu suspect ; des motions identiques furent faites dans des villes du nord.

La chute de Metz avait été suivie d’un mouvement de recul pour nous presque sur tous les points. On connaît le bombardement de Châteaudun le 18 octobre. Des villages avaient été brûlés de sang-froid par l’ennemi pour se venger de la défense des habitans. Les Prussiens avaient fait sauter le viaduc de Beaugency, ils s’étaient avancés sur la rive gauche de la Loire presque jusqu’à Vierzon. Dans l’est, l’armée formée par Cambriels avait repris ses opérations de concert avec Garibaldi. Nombre de combats avaient eu lieu dans cette région avec des fortunes diverses ; mais la marche de l’ennemi se continuait vers le sud. De Vesoul, il s’était avancé sur Gray, et de Gray sur Dijon. Le 29 octobre, il avait occupé cette ville après un combat acharné soutenu par les troupes et la garde nationale, qui eut plusieurs centaines d’hommes atteints par le feu de l’ennemi. La partie nord du Doubs et du Jura avait été entamée par l’invasion. Le 2 novembre, les Allemands avaient commencé l’investissement de Belfort et pris Giromagny. Au sud de Dijon, à Auxonne, divers engagemens meurtriers eurent lieu ; à Saint-Jean-de-Losne, le passage de la Saône fut vivement disputé. On faisait de grands préparatifs de défense à Chagny, qui commande les routes du Creusot, d’Autun et de Nevers : il était à craindre que la capitulation de Metz ne permit aux Prussiens de diriger sur ce point des forces considérables. Dans le nord, l’ennemi avait fait des tentatives à Formerie, sur le chemin de Rouen à Amiens ; il avançait aussi dans l’Eure, qu’il ravageait systématiquement.

La situation de la France devenait grave par la capitulation de Metz, qui laissait libres près de 200,000 Allemands. Jusque-là, les forces que les provinces avaient eu à repousser consistaient seulement : dans le 14e corps, sous le commandement du général de