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LES


ARTISTES À PARIS


PENDANT LE SIÈGE




Depuis six mois, la vie des arts est suspendue en France, le travail a cessé dans les ateliers, dans les galeries, dans tous les lieux consacrés à la pratique ou à l’étude ; depuis six mois, pour mieux dire, il n’y a plus à Paris ni établissement d’art ni artistes, il n’y a que des musées fermés ou vides, des hommes oubliant qu’ils étaient peintres ou statuaires, architectes ou graveurs, pour ne se rappeler que leurs devoirs de citoyens et de soldats. Personne n’a marchandé son dévoûment à cette double tâche, ni même songé à s’étonner des fatigues et des périls tout nouveaux qu’elle imposait. Tandis que, pour être mis à l’abri des obus prussiens, les chefs-d’œuvre de l’art et de l’intelligence humaine disparaissaient des salles du Louvre et des rayons de nos bibliothèques, tandis que les grands monumens du passé, menacés par les fureurs du présent, allaient s’enfouir loin des murs qu’ils avaient si longtemps illustrés, nul entre les plus empressés à assurer le salut de ces trésors ne voulût s’épargner lui-même, user de prudence pour son propre compte. Maîtres et disciples, talens récompensés par de longs succès ou ayant à peine dépassé l’époque des débuts, tous ont rivalisé d’énergie patriotique et de zèle, et l’on pourrait citer, jusque parmi les membres de l’Académie des Beaux-Arts, tel artiste éminent enrôlé dans les rangs d’un bataillon de marche à côté des élèves de l’École de Paris ou des pensionnaires accourus de Rome, tel autre que son âge exemptait de tout service actif partageant avec ses confrères plus jeunes les fatigues des manœuvres militaires ou les rigueurs des nuits sur les remparts.

Par bonheur, M. Baudry, comme M. Ambroise Thomas, M. Meissonier, comme plusieurs membres encore de la quatrième classe de l’Institut, ont pu se soumettre impunément à ce rude régime, s’exposer à