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ques bonnes paroles à propos de la liberté des journaux dans ce trop long et trop vague discours du 1er janvier, dont je me plaignais peut-être trop vivement l’autre jour. S’il a cette ferme conviction que la liberté de la presse doit être respectée jusque dans ses excès, s’il désavoue les actes arbitraires de quelques-uns de ses préfets, il respectera sans doute également le suffrage universel. Ceci ne fera pas le compte de tous ses partisans, mais j’imagine qu’il n’est pas homme à sacrifier les principes aux circonstances.

Je lui souhaite de ne pas perdre la tête à l’heure décisive, et je regrette de le voir passer à l’état de fétiche, ce qui est le danger mortel pour tous les souverains de ce monde.

19 janvier.

On a des nouvelles de Paris du 16. Le bombardement nocturne continue. — Nocturne est un raffinement. On veut être sûr que les gens seront écrasés sous leurs maisons. On assure pourtant que le mal n’est pas grand. Lisez qu’il n’est peut-être pas proportionné à la quantité de projectiles lancés et à la soif de destruction qui dévore le saint empereur d’Allemagne ; mais il est impossible que Paris résiste longtemps ainsi, et il est monstrueux que nous le laissions résister, quand nous savons que nos armées reculent au lieu d’avancer.

Du côté de Bourbaki, l’espoir s’en va complètement malgré de brillans faits d’armes qui tournent contre nous chaque fois.

20.

Nos généraux ne combattent plus que pour jouter. Il n’ont pas la franchise de d’Aurelle de Paladines, qui a osé dire la vérité pour sauver son armée. Ils craignent qu’on ne les accuse de lâcheté ou de trahison. La situation est horrible, et elle n’est pas sincère !

Le temps est doux, on souffre moins à Paris ; mais les pauvres ont-ils du charbon pour cuire leurs alimens ? — On est surpris qu’ils aient encore des alimens. Pourquoi donc a-t-on ajourné l’appel au pays il y a trois mois, sous prétexte que Paris ne pouvait supporter vingt et un jours d’armistice sans ravitaillement ? Le gouvernement ne savait donc pas ce que Paris possédait de vivres à cette époque ? Que de questions on se fait, qui restent forcément sans réponse !

21.

Tours est pris par les Prussiens.

22 et 23.

Toujours plus triste, toujours plus noir, Paris toujours bombardé ! on a le cœur dans un étau. Quelle morne désespérance ! on aurait envie de prendre une forte dose d’opium pour se rendre