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tenant inévitable, l’exaltation de parti la repousse et cherche à nous entretenir d’illusions funestes. Elle a promis ce qu’elle n’a pu tenir, elle ne veut pas en avoir le démenti, elle sacrifierait des millions d’hommes plutôt que de s’avouer impuissante ou impopulaire. Il est temps que le gros bon sens intervienne. Il ne saura pas juger le différend, il le fera cesser. Je vois aux prises une impitoyable machine de guerre, la Prusse, et un homme nu, blessé, héroïque, la France militaire. Cet homme, exaspéré par l’inégalité de la lutte, veut mourir, il se jette en désespéré sous les roues de la machine. Debout, Jacques Bonhomme ! place entre ce sublime malheureux et la machine aveugle ta lourde main, plus solide que tous les engins de la royauté. Arrête le vainqueur et sauve le vaincu, dût-il te maudire et t’insulter. Tu veux qu’il vive, toi, paysan qui par métier sèmes la vie sur la terre. Tu veux que le blé repousse, et que la France renaisse. Voici tantôt le moment de ressemer ton champ gelé. On va crier que tu as tué l’honneur. Tu laisseras dire, toi qui portes toujours tous les fardeaux, tu porteras encore celui-ci. L’ingrate patrie est bien heureuse que tu ne connaisses pas le point d’honneur, et que tu te trouves là, dans les situations extrêmes, pour trancher sans scrupule et sans passion les questions insolubles !

Et à présent faisons une fervente prière au génie de la France. Puisse-t-il nous bien inspirer et faire entrer dans tous les esprits la notion du droit ! Il est si clair et si précis, ce droit acquis et payé si cher par nos révolutions ! Liberté de la parole écrite ou orale, liberté de réunion, liberté du vote, liberté de conscience, liberté de réunion et d’association, — que peut-on vouloir de plus, et quelles théories particulières peuvent primer ces droits inaliénables ? N’est-ce pas donner l’essor à toutes les idées que d’assurer les droits de là discussion ? Si nous savons maintenir ces droits, ne sera-ce pas un véritable attentat contre l’humanité que la conspiration et l’usurpation, de quelque part qu’elles viennent ?

L’orgueil des partis ne veut pas souffrir le contrôle de tous : sachons distinguer les vanités exubérantes des convictions sincères, n’imposons silence à personne, mais apprenons à juger, et que l’abandon soit le châtiment des écoles qui veulent s’imposer par la voie de fait, l’injure et la menace. Ne subissons l’entraînement ni des vieux partis ni des nouveaux. Le véritable républicain n’appartient à aucun, il les examine tous, il les discute, il les juge. Son opinion ne doit jamais être arrêtée systématiquement, car l’intelligence qui ne fonctionne plus est une intelligence morte ; qui n’apprend plus rien ne compte plus. Observons le rayonnement des idées nouvelles à mesure qu’elles se produiront, et sachons si elles sont étoiles ou bolides, c’est-à-dire éclosion de vie ou débris de