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somme assez ronde, et le public n’y gagna rien : le prix de détail resta le même. En 1852, le droit fut reporté à 15 pour 100, et personne ne réclama. Ce droit n’est rien à côté des autres frais qui grèvent la marchandise avant qu’elle arrive au consommateur : frais de transport, de commission, d’emmagasinage, bénéfice du négociant qui sert d’intermédiaire ; au milieu de tout cela, la part de l’impôt est si minime qu’elle disparaît complètement. Un impôt très lourd se reconnaît tout de suite à deux signes certains : 1° lorsqu’il soulève des réclamations nombreuses ; 2° lorsqu’il donne lieu à une fraude considérable. Or, au point de vue des réclamations, si dans l’impôt des boissons on dégage la part perçue par l’état de celle qui est dévolue aux villes sous le nom d’octroi, on n’en constate pas de sérieuses.

Quant à la fraude, elle existe incontestablement dans quelques grandes villes, à Paris surtout, où l’on se livre à des falsifications sur une échelle considérable et d’une façon souvent nuisible à la santé ; mais c’est à la taxe d’octroi qu’il faut particulièrement l’attribuer. Ce n’est pas pour échapper au droit de circulation de 1 fr. par hectolitre ou à un droit d’entrée de 3 francs qu’on s’amuserait à falsifier le vin. On ne le ferait même pas pour se soustraire à ce droit maximum de 7 fr. 50 cent, par hectolitre qui atteint dans certaines villes les personnes qui consomment le vin en détail ; mais quand, à ces différens droits assez légers par eux-mêmes, vient s’ajouter une taxe d’octroi qui les double, quand on est en face d’un régime exceptionnel comme celui qui existe à Paris, et qui frappe les vins, droits d’octroi et d’entrée réunis, de plus de 20 fr. par hectolitre, alors l’excitation à la fraude devient très grande, et les moyens de contrôle les plus sévères sont impuissans à l’empêcher. C’est le vice des taxes d’octroi, ce n’est pas celui de l’impôt perçu au profit de l’état ; celui-ci, je le répète, n’est ni lourd ni gênant, et il porte sur une matière qui peut parfaitement le supporter, car, sans être de première nécessite, elle est cependant d’un usage assez répandu pour donner à l’impôt une base très large, ce qui est la première condition à rechercher lorsqu’on veut établir des taxes de consommation. Je prendrai un autre impôt encore à propos duquel on fait beaucoup de bruit, celui du sel. On dit qu’il pèse surtout sur les classes ouvrières et gêne la consommation. Il entre, il est vrai, pour beaucoup plus que celui des boissons dans le prix de la denrée qu’il frappe, il compte environ pour moitié, mais il est peu sensible pour une autre raison. Le sel se consomme par très minimes quantités ; il est mêlé à des alimens plus ou moins chers, dans le prix desquels il figure pour fort peu de chose. Qui s’est jamais aperçu de ce qu’il consommait de sel dans un dîner, de ce qu’il lui en