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n’apprennent, malgré les sacrifices qu’elles imposent au pays, rien qui ne puisse être appris ailleurs dans la longue pratique de la mer. Tel est le dilemme qui se posait bien avant la guerre à tous les esprits sérieux[1], et qui, à plus forte raison, s’impose aujourd’hui. Selon nous, la réponse ne saurait être douteuse. Il n’y a plus d’évolutions possibles dans les grandes batailles navales ; il n’y a plus que l’initiative de chaque capitaine, son esprit de décision, son coup d’œil et surtout son dévoûment. Tout cela ne s’apprend pas mieux en escadre que sur tout autre navire navigant. Les escadres coûtent trop cher ; elles doivent être supprimées comme force permanente.


III.

L’action des peuples modernes ne s’exerce pas seulement autour de leurs frontières, elle rayonne dans le monde entier. Sans compter les nombreux émigrans qui, suivant les qualités de la race ou les événemens politiques dont leur patrie est le théâtre, abandonnent soit pour toujours, soit avec la pensée d’y retourner, leur pays natal, et qui, ne perdant point pour cela leur nationalité, ont droit à une protection efficace, combien d’intérêts divers de toute sorte nécessitent dans les régions les plus lointaines l’intervention plus ou moins active des gouvernemens européens ! Ambassadeurs et ministres plénipotentiaires, consuls et agens commerciaux, tous répondent aux exigences des relations internationales des membres divers de la grande famille européenne, c’est-à-dire de tous les peuples qui en ont accepté les mœurs et les lois générales. L’intervention de tous ces fonctionnaires n’a qu’un but : veiller à ce que ces lois ne soient pas violées envers leurs nationaux ; par suite leur action devrait être toute pacifique, s’exercer pour ainsi dire sur les esprits seuls des gouvernans étrangers ; mais l’intervention pacifique de la diplomatie n’a pas paru suffisante dans certaines régions éloignées, et on a cru nécessaire de la rendre plus décisive par la présence de certaines forces militaires. Ces forces étaient nécessairement maritimes. C’est ce qu’on appelle les stations navales. En fait, les commandans de ces stations ne sont que des diplomates militaires, dont les pouvoirs, parallèles à ceux dont sont investis les diplomates titulaires, n’ont ou plutôt n’avaient à l’origine qu’une seule raison d’être : donner la sanction de la force, en attendant et dans certains cas en prévenant la sanction définitive du gouvernement national, aux résolutions prises par ses représentans à l’étranger, sous une responsabilité qu’ont essayé de définir les lois internationales.

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1867, la Marine de guerre, par M. de Keranstret.