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officiers militaires de la marine les navires qu’ils sont appelés à commander, auxquels ils sont obligés de confier aveuglément leur fortune et leur vie en temps de paix et leur honneur en temps de guerre, ce n’est pas se montrer sévère que d’affirmer qu’il semble, à ne le juger d’ailleurs que par ses œuvres, ignorer ou méconnaître à plaisir ce qui se passe hors de France, les progrès accomplis, et surtout les améliorations pratiques réalisées dans les autres marines. Ce défaut, que l’on pourrait généraliser et reprocher à toutes les branches d’administration qui se recrutent spécialement parmi les élèves d’une école trop admirée, a eu dans la marine, comme partout, de graves inconvéniens. En ce qui touche nos stations locales, nous affirmons que dans telle de nos colonies intertropicales, le Sénégal par exemple, la plus grande partie des affections souvent mortelles qui déciment nos équipages sont dues moins au climat qu’aux mauvaises dispositions des navires de la station.

Certes le type des navires destinés à la navigation fluviale, n’allant à la mer qu’accidentellement, n’est plus à créer ; il existe depuis longtemps, et les États-Unis en offrent sur leurs fleuves les modèles achevés. Tout sur ces navires est parfaitement calculé pour cette navigation spéciale, et cependant ils ne reculent pas devant les plus longues traversées sur les mers les plus dangereuses. On les retrouve en effet sillonnant les grands fleuves du céleste empire, le Yang-tse-kiang comme la rivière de Canton, où la plupart sont arrivés sans escorte. De tels voyages ne sont-ils pas la preuve concluante de leur supériorité[1] ? À côté d’eux, les navires spécialement construits pour nos stations fluviales ne sont que d’informes chalands sans vitesse à la vapeur, dominés par une mâture impuissante pour la navigation à la voile, par suite inutiles à tous égards, et qui n’offrent aux équipages aucune des conditions hygiéniques qui sauveraient tant d’existences précieuses ; mais ce progrès si économique, si facile à réalisée, s’accomplira le jour où les meilleurs projets des hommes les plus compétens n’iront pas s’ensevelir dans les cartons poudreux d’une direction spéciale, le jour surtout où il n’y aura plus qu’une volonté au ministère de la marine, celle du ministre, et dans nos ports celle de ses représentans, les préfets maritimes.

Après ce rapide examen des forces maritimes de la France, ou mieux de l’emploi de ces forces, la flotte de transport nous arrêtera seulement quelques instans. « En 1860, disait il y a quatre ans M. de Keranstret dans un remarquable travail que nos lecteurs n’ont sans doute pas oublié, la France possédait une marine à vapeur importante. Un grand nombre de vaisseaux semblables au Napoléon ou de

  1. Dès 1854, le River-Bird inaugurait ces traversées.