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types peu différens étaient déjà entrés dans notre flotte ou allaient être lancés, un nombre proportionnel de frégates à grande vitesse portait noblement notre pavillon aux quatre coins du globe. L’invention de nouveaux projectiles creux et des cuirasses anéantissait toute la puissance de cet immense matériel. Nous avions dépensé millions sur millions pour notre flotte, et tout était remis à l’étude, tout se retrouvait encore à créer comme marine militaire. Hâtons-nous cependant de le dire, si ces vaisseaux à vapeur en bois, ne peuvent plus être considérés aujourd’hui comme des navires de combat, ils n’en sont pas moins une grande ressource pour les opérations de notre armée de terre. » Arrivé au port où il doit débarquer nos troupes, ce vaisseau vomit un soldat par chacun de ces sabords qui laissaient autrefois passer la gueule d’un canon, et, s’il lui est interdit aujourd’hui de prendre une part glorieuse au combat, il aura souvent encore quelque droit à revendiquer une part de la victoire. La nombreuse flotte de transports à vapeur que possède la France constitue un complément indispensable de notre puissante armée par la prodigieuse mobilité qu’elle peut lui communiquer en temps de guerre[1]. »

Ces lignes précisent le rôle réservé à notre flotte de transports. Ce que nous avons établi au début de ces recherches sur les difficultés, sur les impossibilités même du transport d’une armée de débarquement, a déjà fait pressentir notre opinion sur l’utilité de cette flotte, dont le coûteux entretien absorbe une forte part du budget de la marine. Nous n’insisterons pas, et nous nous bornerons à tirer de ces mêmes pages un enseignement qui certes a frappé tous les bons esprits, mais sur lequel on ne saurait trop s’appesantir : c’est que, dans une époque comme la nôtre, où tout est progrès, ou du moins transition, il faut suivre les progrès accomplis sans croire que les derniers termes en ont été atteints. Cette vérité est banale, si l’on veut ; mais elle a été trop méconnue dans ces derniers temps, et cette méconnaissance nous a coûté trop cher pour qu’après les pénibles leçons du passé nous ne craignions pour l’avenir.

« L’Angleterre, disait M. Reid, l’habile constructeur du Wilhelm Ier, devrait toujours avoir sur ses chantiers au moins un navire supérieur en qualités de toute sorte à tous ceux que possèdent les autres nations maritimes. Un bâtiment très puissant peut à lui seul en remplacer plusieurs d’une force moindre. » Au moins un navire ! N’est-ce pas la condamnation la plus irrévocable de cette infatuation qui nous a coûté tant de sang, et dont en marine surtout

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1867, la Marine de guerre, par M. de Keranstret.