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moindre désir d’être plus libre, La Gerboise n’est pas loin, vous le savez, et rien n’y a été changé. Les meubles, les livres, votre attirail de chasse, tout est à sa place.

Il la remercia du regard, et resta à La Marnière. Mme  de Villepreux n’avait pas été charmée de ce retour dont elle redoutait les conséquences pour Gilberte. — Rassurez-vous, lui dit sa fille, qui la devina dès le premier mot ; je ne fais plus de rêves.

— C’est peut-être vrai ; mais tu vis de ceux que tu as faits. Cependant, à la prière de sa fille, Mme  de Villepreux montra un visage ami à René. Quant à M. de Porny, il l’accueillit en homme qui a trop fait de folies pour n’être pas en fonds d’indulgence pour ceux qui en commettaient encore. Il n’était pas fâché d’ailleurs d’étudier d’un peu près une personne qui avait eu une influence si décisive sur la vie de Gilberte. — Ce sera mon compagnon de chasse, lui dit-il ; mais je vous préviens que, s’il vous cause la moindre peine, je l’étrangle net au coin d’un bois.

Les promenades qu’ils entreprirent ensemble dans le pays mirent bientôt M. de Porny au courant des aventures de M. de Varèze. Elles n’étaient ni nouvelles, ni surprenantes.

La question était de savoir si René était guéri. M. de Porny ne le croyait pas.

Le séjour de René à La Marnière, en se prolongeant, le détendait. Son esprit, plus libre, redevenait jeune et gai. Des circonstances se produisaient durant lesquelles Gilberte le retrouvait tel qu’elle l’avait connu. Il s’était enquis des arrangemens qu’elle avait pris relativement à La Gerboise. Elle crut devoir ne lui rien cacher.

— Ah ! vous êtes bien toujours la même, s’écria-t-il en lui embrassant les mains avec une vivacité qui la troubla. Faut-il que vous ayez le cœur solide !

— Que serait-on, si on n’avait rien ! fit-elle en badinant.

— Laissez ! vous êtes la perfection même, et c’est ce qui Vous nuit ; mais parlons sérieusement. La Gerboise est bien à vous. Une de ces bonnes fortunes, comme il n’en arrive qu’aux dissipateurs, m’a tiré d’embarras à la dernière heure. Un héritage a remis ma barque à flot. Elle nage même très proprement. Cela me vient d’une parente éloignée que je n’ai pas vue quatre fois en ma vie. Elle s’est souvenue in extremis que je portais le même nom, et qu’elle devait tout à ce nom. Vous avez donc devant vous un cousin qui n’est plus, comme un lièvre des champs, sans gîte et sans abri.

— Tant pis ! s’écria Gilberte.

— Comment tant pis !

— Certainement ! ravitaillé par un testament, vous allez recommencer !