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il ne se reprend à vouloir la liberté qu’après la chute de l’empire. Il est à la tête du mouvement libéral sous la restauration ; mais toute la France marche avec lui. Jusqu’en 1827, la majeure partie de ses choix pour la chambre des députés ne va pas au-delà de ce libéralisme royaliste et conservateur que représentent M. Decazes et M. de Serre ; l’opposition libérale ne triomphe dans tous ses collèges que lorsque la province elle-même envoie à la chambre une majorité opposante. Après 1830, le centre droit reste prépondérant en province, tandis que Paris incline de plus en plus vers la gauche ; mais, si l’on tient compte de la pression des intérêts locaux d’un côté et des alliances de partis de l’autre, il est permis d’affirmer que le nom de centre gauche exprime fidèlement l’esprit de la majorité électorale dans la France entière sous la monarchie de juillet.

Depuis 1848, les votes de Paris méritent de nous arrêter davantage ; ils appartiennent au suffrage universel et à un état des opinions et des passions politiques dont la crise présente n’est que la manifestation la plus douloureuse. Aux élections pour l’assemblée constituante, la lutte se concentrait presque partout sur deux noms, ceux de Lamartine et de Ledru-Rollin, le premier personnifiant la république modérée, le second la république radicale. Paris élut l’un et l’autre ; mais M. de Lamartine venait en tête de la liste, comme dans un grand nombre de départemens, avec une majorité considérable ; M. Ledru-Rollin n’arrivait un des derniers qu’à la faveur de la majorité relative. Les autres élections de la même année ne sont pas moins significatives. Un nom que presque personne n’avait prononcé dans les deux premiers mois de la révolution commençait à retrouver de tous côtés sa popularité héréditaire. Paris ne reste pas en arrière de la province dans cette résurrection de l’idolâtrie napoléonienne que la France devait payer si cher. Élu représentant de Paris le 4 juin, le prince Louis Bonaparte, après une démission bruyante, l’est encore le 21 septembre, et cette fois il vient le premier. Quant aux collègues qui lui sont donnés, quelques-uns appartiennent au parti révolutionnaire, et même aux opinions socialistes ; mais ils ne doivent leur succès qu’à la dispersion des voix et à une sorte d’éclectisme où se complaisent bon nombre d’électeurs parisiens ; au fond, la majorité des choix est conservatrice, comme en province. Ce sont les voix modérées qui portent au premier rang l’ex-préfet de police Caussidière, à qui la bourgeoisie est reconnaissante d’avoir « fait de l’ordre avec du désordre, » et elles s’affirment clairement en faisant suivre ce nom équivoque de ceux du général Changarnier, de M. Thiers et de M. Victor Hugo, qui n’avait place alors que dans les rangs conservateurs. Paris ne se sépare pas davantage de la province à l’élection de la présidence ; il a sa part proportionnelle dans les 5 millions 1/2 de suffrages qui prépa-