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assemblée au pays tout entier. En un mot, il faut marcher ; il faut diriger et dominer les événemens, si l’on ne veut être emporté par eux. C’est à ce prix que l’assemblée actuelle aura sur le pays une autorité proportionnée à son mérite et à la droiture patriotique de ses intentions. En attendant, elle délibère, elle discute et elle vote. Il y a quelques semaines, elle votait la loi en vertu de laquelle les élections municipales se font aujourd’hui même dans toute la France. Elle a aussi adopté une loi sur la presse dont M. le duc de Broglie a été l’habile rapporteur. Tout récemment encore, elle élaborait la loi sur les loyers parisiens, dont un des articles essentiels n’a point laissé de provoquer une assez vive mêlée d’opinions et même une certaine confusion.

L’échec qu’a éprouvé l’article 8 de la loi sur les loyers parisiens mérite un instant d’attention, parce que cet article 8 contenait le principe essentiel de la loi, c’est-à-dire le principe de la subvention de l’état ou des communes et des départemens pour réparer les malheurs de la guerre.

Ce principe de la réparation par tout le monde des malheurs et des pertes de tout le monde est la plus bienveillante et la plus loyale des impossibilités. Il suffit de quelques mots pour l’expliquer. L’état est la bourse de tout le monde, non pas pour y puiser tant qu’on veut, comme le croient quelques utopistes béats ; c’est la bourse de tout le monde, en ce sens que tout le monde contribue à la remplir : c’est à cause de cela que nous sommes tous désignés comme contribuables. Or, quand la bourse particulière de chacun est vide par suite des malheurs de la guerre ou tous autres, nous ne pouvons rien puiser dans la bourse de l’état, puisque chacun de nous n’y peut plus rien mettre, de telle sorte que l’idée de faire réparer par tout le monde les malheurs de tout le monde équivaut à l’opération arithmétique suivante : les contribuables doivent à l’état 2 milliards par exemple ; mais l’état doit 2 milliards à ses créanciers indemnitaires. Il paie sa dette par sa créance, et l’opération se solde par un gros zéro.

Il en est de la caisse des communes et des départemens comme de celle de l’état ; il n’y a dans la caisse des communes et des départemens que ce que nous y mettons, et si, comme contribuables de l’état, nous avons donné à l’état tout ce que nous avions, il ne nous reste plus rien pour donner aux communes et aux départemens. Les contribuables des communes et des départemens sont les mêmes que ceux de l’état. Peu importe que vous les épuisiez sous une forme ou sous une autre. Une fois épuisés par le département ou par l’état, il ne reste plus que des créances irrécouvrables. Mettre une dépense à la charge de l’état ou des communes, c’est toujours la mettre à la charge des contribuables, et le titre du mandat, qu’il soit communal ou qu’il soit national, ne lui donne pas une chance de plus pour être payé, quand le contribuable n’a plus d’argent.