Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naissances en force qui amenaient des engagemens presque journaliers. Deux de ces combats méritent une mention particulière. Le 24, notre 18e corps soutint une lutte vigoureuse entre Ladon, Maizières et Boisconunun, et resta maître du terrain. Le 28, le 20e corps fut engagé à son tour devant Beaune-la-Rolande contre les Hanovriens de Voigts-Rhetz, au secours duquel le prince Frédéric-Charles se hâta d’accourir avec deux divisions du 3e corps. La lutte fut chaude ; l’ennemi, obligé d’évacuer Beaune-la-Rolande, avoua une perte de 1,000 hommes tués ou blessés ; il laissait aussi 1 canon entre nos mains[1]. Frédéric-Charles voulut faire accroire qu’il avait tenu en échec pendant cette journée malheureuse pour ses armes l’armée entière de d’Aurelle, qui s’était mise en marche dans la direction de Fontainebleau. Il est difficile d’admettre qu’il ait lui-même compté le résultat de ce combat comme un succès. Ces engagemens préliminaires où nous perdions beaucoup de monde, il est vrai, mais en infligeant des pertes cruelles à l’ennemi, relevaient le moral du soldat. Cela le disposait favorablement pour une lutte plus décisive.


II.

Ainsi le dimanche où l’évêque d’Orléans appelait solennellement les bénédictions du ciel sur l’armée de la Loire, il était naturel que la confiance fût revenue aux habitans de cette vaillante cité, qui, après avoir connu le fardeau de l’invasion, assistaient depuis quinze jours aux préparatifs énergiques de la défense nationale. Le moment de marcher en avant était-il enfin venu ? Tout porte à croire, on l’a vu plus haut, que le prince Frédéric-Charles allait prendre l’offensive. Si les mouvemens stratégiques de son armée avaient été connus de l’état-major français, sans doute on eût jugé prudent d’attendre l’attaque derrière les défenses d’Orléans ; mais cela s’était fait à l’insu de nos généraux, qui au contraire étaient évidemment informés d’avance de la sortie projetée par la garnison de Paris. Cette sortie avait eu lieu le 30 novembre, et M. Gambetta l’annonçait le 2 décembre à la France dans une proclamation toute pleine de brillantes promesses : « Il (le général Ducrot) s’est avancé sur Longjumeau et a enlevé les positions d’Épinay, au-delà de Longjumeau, positions retranchées des Prussiens, qui nous ont laissé de nombreux prisonniers et deux canons… Nos troupes d’Orléans sont vigoureusement lancées en avant. Nos deux grandes armées marchent à la rencontre l’une de l’autre. Dans leurs rangs,

  1. Parmi les officiers qui se distinguèrent au combat de Beaune-la-Rolande se trouvait un jeune écrivain dont le nom est bien connu des lecteurs de la Revue, M. Ernest Duvergier de Hauranne, capitaine des mobiles du Cher.