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roïques. On raconte qu’au moment où les autres régimens paraissaient faiblir, le général de Sonis lança ces braves jeunes gens en avant. Ils résistèrent, mais au prix de quels sacrifices ! Quand ils battirent en retraite, leur effectif était réduit des trois quarts ; le colonel de Charette et le plus grand nombre des autres officiers restaient sur le champ de bataille.

Les résultats fâcheux de la journée du 2 décembre engagèrent le général d’Aurelle à rentrer derrière les lignes fortifiées qu’il avait fait établir en avant d’Orléans. Il sentait devant lui des masses considérables contre lesquelles il n’était pas prudent d’exposer ses jeunes troupes à découvert ; mais il n’eut pas le temps d’opérer une retraite réfléchie et méthodique. Le 3 au matin, Frédéric-Charles lançait avec vigueur le 3e et le 9e corps sur la route de Pithiviers ; le grand-duc de Mecklembourg se précipitait sur Artenay avec les Bavarois et la 17e division. C’était notre 15e et notre 16e corps qui portaient le poids de cette attaque. À droite, nos soldats se replièrent avec trop de précipitation de Chilleurs et de Loury sur Orléans ; à gauche, les positions fortifiées de Chevilly furent perdues ainsi que les villages de Gidy et de Janvry. Les canonniers de la marine, établis à Chevilly, avaient fait vaillamment leur devoir ; mais que pouvaient-ils lorsque les troupes qui devaient les couvrir eurent lâché pied ? C’était un échec sérieux que la perte de cette première ligne de défense, car il était permis d’en conclure que les autres lignes ne seraient pas plus efficaces.

Il faut jeter les yeux sur la carte pour bien apprécier à quel point la situation du général d’Aurelle devenait critique malgré l’apparente supériorité numérique des forces dont il avait le commandement. Son 15e corps, rudement ébranlé par ces combats du 3 décembre, était acculé sur Orléans avec le double inconvénient d’avoir derrière lui une ville sur laquelle il eût été cruel d’attirer les horreurs d’un bombardement, et au-delà de cette ville un fleuve large et profond, avec trois ponts, dont un simple pont de bateaux, pour opérer l’évacuation d’un matériel considérable. Comme la Loire décrit en ce point une courbe dont la convexité est tournée vers le nord, le 16e et le 17e corps avaient été rejetés à gauche en arrière de la ligne de bataille. Sur la droite, le 18e et le 20e corps étaient beaucoup plus en avant dans leurs positions de Bellegarde et de Ladon, mais séparés du théâtre des opérations par l’épaisseur de la forêt. Bourbaki venait de prendre le commandement de ces deux corps. Peut-être, entre les mains d’un stratégiste audacieux, eussent-ils pu être jetés sur les communications de l’ennemi, et l’inquiéter sérieusement au point de le faire rétrograder. C’est ce que l’on eût fait sans doute dès la journée du 3, si l’on avait su que le prince Frédéric-Charles laissait à peine 8,000 hommes de ce côté ; mais le