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IV.

Les opérations militaires dont nous avons essayé d’esquisser l’histoire tiennent une large place dans les événemens de la guerre actuelle, puisqu’elles s’étendaient sur tout le côté sud de Paris, et qu’elles avaient pour moyen d’action la plus puissante des armées que le gouvernement de la république eût mises en campagne. L’existence seule de cette armée est une preuve que la France n’était pas épuisée après la capitulation de Sedan, et que la délégation de Tours était capable de mettre en œuvre les ressources de la nation. L’insuccès de si grands efforts semble devoir être attribué pour une bonne part à l’imprévoyance ou tout au moins à la précipitation déplorable de ceux qui les dirigeaient. Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de notre pensée ; trop de gens sont disposés à nier la générosité des efforts tentés par M. Gambetta. Il sut au moins faire triompher le sentiment de la défense nationale au milieu des départemens que l’invasion ne menaçait pas d’un péril imminent, et que l’investissement de Paris avait privés de toute direction ; mais, après avoir reconnu ce qu’il a fait de bien, nous devons avouer aussi qu’il conduisit la guerre avec une mobilité d’esprit d’autant plus nuisible qu’il avait en face des adversaires compassés dont tous les mouvemens étaient coordonnés avec soin. Reprenons en effet l’historique de cette campagne douloureuse, et voyons ce que l’on eût gagné à temporiser davantage.

Avant l’affaire de Coulmiers d’abord, la guerre fut sur le point de s’arrêter. Sur l’intervention des puissances neutres, une proposition d’armistice était en discussion au commencement de novembre. Il est à croire que la misérable échauffourée du 31 octobre à Paris pesa beaucoup sur la décision du gouvernement de la défense nationale. Quoi qu’il en soit, l’armistice, qui avait pour principal objet de permettre l’élection d’une assemblée, fut repoussé le 6 novembre, parce que la Prusse n’avait pas voulu accorder le ravitaillement de Paris, et n’acceptait qu’avec des réserves la participation de l’Alsace et de la Lorraine au vote. Qu’eût produit une solution contraire qui eût reporté au 2 décembre la reprise des hostilités ? Nul changement d’abord dans le sort de la capitale, puisque les approvisionnemens étaient encore abondans, et que la première grande sortie n’eut lieu que le 30 novembre. Au dehors, von der Thann serait resté maître d’Orléans ; mais d’Aurelle aurait eu trois semaines de plus, et trois semaines pour un bon organisateur qui sait mettre le temps à profit, c’était un bien inestimable. Quand même le grand-duc de Mecklembourg fût venu au secours des Bavarois, il n’y aurait eu que 40,000 ou 50,000 Allemands en face de