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anglaises en vertu de la loi de 1835. Les bourgs (boroughs) constituent des unités complètement indépendantes et ne relevant que d’elles-mêmes. Le pouvoir central n’a auprès des bourgs aucun fonctionnaire ayant droit de tutelle ou de surveillance. Le conseil municipal, issu de l’élection, est, sauf quelques réserves très peu nombreuses, complètement omnipotent. Il est à la fois assemblée délibérante et corps exécutif ; il n’a pas à demander à l’autorité supérieure d’homologuer ses actes ou d’approuver ses délibérations. Il nomme lui-même tous ses agens, il délègue ses pouvoirs pour les différens services aux comités spéciaux pris dans son sein, lesquels sont aussi dans la sphère de leurs attributions des corps exécutifs. Rien n’est plus dans l’esprit de la vraie démocratie que cette organisation du bourg municipal anglais. Le maire, nommé pour un an par les conseillers, qui eux-mêmes sont élus pour trois ans par les citoyens, n’a point d’initiative spéciale ni d’autorité propre ; il n’est que le président du conseil, primus inter pares. Est-il besoin de dire qu’en aucun cas le gouvernement n’a le droit de révoquer ou de suspendre le maire, non plus que celui de dissoudre le conseil municipal ?

Combien sont différentes les conditions de nos villes françaises, même après la loi de 1871 ! Réunies sous beaucoup de rapports au département, qui les absorbe, dotées d’un conseil municipal dont les attributions sont purement délibératives, dont les résolutions peuvent presque toujours être infirmées par l’autorité préfectorale, ayant à leur tête un magistrat qui, dans toutes les villes importantes, est choisi par le gouvernement, et qui exerce un pouvoir presque illimité, peut-on dire qu’elles jouissent du self-government, à moins d’ignorer complètement la signification des mots ? Il y a encore plus de distance entre la situation actuelle des villes françaises et celle des villes anglaises qu’il n’y en avait après le coup d’état de 1852 entre le gouvernement impérial et le gouvernement de la reine Victoria.

Mais ce sont les villes privilégiées, nous dira-t-on, qui jouissent en Angleterre du régime que nous venons de décrire. C’est une erreur de le croire. Outre que les villes qui ont bénéficié de l’acte législatif de 1835 sont au nombre de 178, toutes les agglomérations urbaines, ayant une importance même minime, sont actuellement administrées d’une manière analogue, grâce aux deux grandes lois de 1848 et de 1858. À côté des vieilles cités qui étaient parvenues à une complète autonomie se trouvaient en Angleterre une multitude de villes, la plupart d’origine plus nouvelle, mais dont beaucoup étaient riches et populeuses. Ces populations agglomérées, qui n’étaient pas constituées en bourgs municipaux (boroughs), ne se trouvaient point dépourvues cependant des avantages résultant d’une