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L’ALSACE ET LA PRUSSE.

amende, et conduit à Wissembourg en compagnie de trois voleurs.

Le chancelier de l’empire, dans une lettre adressée à M. Szumann, et publiée dans le Volksfreund le 1er mars, a écrit : « L’administration allemande de l’Alsace et de la Lorraine n’a procédé à des expulsions que dans le cas où des considérations militaires rendaient cette mesure nécessaire. » Le 2 mars, la Gazette officielle de Strasbourg s’exprimait en ces termes : « Tous les fonctionnaires qui ont refusé de servir l’administration allemande doivent être expulsés du territoire du gouvernement général. L’administration se voit forcée d’éloigner les élémens dont l’hostilité et la résistance contre l’autorité établie seraient de nature à atteindre sa considération. » Le grand-chancelier se trompe, toute l’Alsace sait que la vérité est du côté de la Gazette officielle.

Ces mesures suffisaient, pensait-on, pour mettre à la raison les fonctionnaires : contre la population en général, on ne procéda pas avec moins de rigueur. Tous les anciens journaux furent supprimés ; on interdit avec soin l’entrée de l’Alsace aux feuilles défavorables à la Prusse. Le Courrier du Bas-Rhin, acheté par un imprimeur du duché de Bade, et rédigé par un Allemand, eut seul le droit de paraître avec la Gazette officielle du gouvernement. Un ancien rédacteur du Courrier avait fondé en Suisse un journal français, l’Helvétie. L’Helvétie fut interdite dans la province ; tout détenteur d’un seul numéro devait être sévèrement puni : il en fut de même des feuilles « hostiles à l’autorité allemande. » Les considérans n’indiquaient pas d’autres motifs, et même se bornaient parfois à remarquer que la feuille mentionnée portait atteinte à la considération de l’autorité. Le service des postes fut sévèrement surveillé : nombre de lettres étaient ouvertes ; d’autres, conservées dans les bureaux, y restaient des mois entiers ; d’autres n’arrivaient jamais ou étaient remises à destination annotées et corrigées par l’autorité prussienne. Les difficultés que demandaient des soins aussi minutieux, compliquées encore par la lenteur naturelle à l’administration civile, ont fait que le service des lettres, malgré les déclarations officielles, n’a jamais été en Alsace que très imparfait.

Dès le mois d’octobre, les habitans durent remettre à l’autorité toutes les armes qu’ils possédaient. Des perquisitions minutieuses furent faites pour assurer l’exécution de cette mesure. Le couvre-feu fut fixé à neuf heures. Quelques semaines plus tard, le gouvernement fit dresser par les communes la liste nominative de tous les hommes de dix-sept ans à quarante ans. C’était là un travail considérable ; mais l’autorité allemande ne recule jamais devant la difficulté. Il était interdit à tout habitant de sortir de sa commune sans un laisser-passer ; ces permis ne durent être délivrés que pour un temps limité et à des personnes sûres. En cas d’infraction,