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Edouard était forcé d’affirmer en outre que les enfans mâles de ces femmes n’étaient pas exclus, autrement il n’aurait eu aucun droit lui-même ; mais il était conduit à soutenir en même temps que, pour faire valoir leur droit, les descendans mâles des femmes auraient dû être nés du vivant de leur grand-père, le roi dernier mort : sans cela, les petits-fils par les femmes de Philippe V et de Charles IV auraient produit un droit et un titre préférables à celui d’Edouard. Un tribunal comme la cour des pairs ne pouvait s’arrêter à ces subtiles distinctions en présence du droit public déclaré constant et d’une raison politique dont l’objet était d’exclure une race étrangère et de perpétuer la succession à la couronne dans la descendance mâle d’une race française. Philippe de Valois fut donc reconnu roi, et son compétiteur Edouard fut sommé de lui faire hommage comme duc de Guienne.

Edouard tardant à prêter l’hommage réclamé, Philippe de Valois mit hardiment la main sur quelques forteresses ducales de la Guienne, et, lorsqu’après bien des tergiversations Edouard consentit à faire acte de vassalité, il le fit en termes qui ne satisfirent point le roi de France. Philippe de Valois exigea une prestation plus nette et plus explicite, et après discussion et pourparlers il fut convenu ce qui suit, d’après un acte relaté dans Rymer[1] : « Le roy d’Engleterre, duc de Gyenne, tendra ses meins entre les meins du roy de France, et cil qui parlera pur le roy de France adrescera ces paroles au roy d’Engleterre, duc de Gyenne, et dira ainsi : Vous devenez homme-lige du roy de France, monsieur, qui ci est, come duc de Gyenne et pier de France, et li prometez foi et loiauté porter ; ditez : Voire (oui), et li dit roy et duc, et ses successours, ducs de Gyenne, diront : Voire, et lors le roy de France recevera ledit roy d’Engleterre et duc audit homage-lige, à la foi et à la bouche, sauf son droit et l’autri. » Ainsi devait également procéder le roi d’Angleterre comme comte de Ponthieu et de Montreuil. On pouvait, d’après ces conventions satisfaisantes pour la France, espérer que l’harmonie se maintiendrait entre les puissances rivales, lorsque surgit une autre cause de discorde et de ressentiment.

L’Angleterre n’avait point alors accompli le grand acte de l’adjonction du royaume d’Ecosse, qui a été l’objet de son ambition et de ses efforts incessans pendant plusieurs siècles. Or, dans la poursuite de ce grand œuvre d’unité territoriale que traversaient tant d’obstacles, la rivalité de la France et de l’Angleterre avait tout naturellement procuré à l’Ecosse, luttant contre les étreintes de sa voisine, l’appui et l’alliance de la France. Celle-ci à son tour, dans son douloureux duel de cent ans, n’a pas eu d’alliée plus fidèle

  1. Rymer, II, 3e partie, p. 27,6 juin 1329 (1330 !), et p. 61, 3 mars 1331.