Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/574

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cation marquée pour la police. L’un d’eux, le trop fameux Rigault, d’après le récit de ses camarades d’études, se désennuyait au collège en faisant des listes de proscription.

L’installation de la commune eut lieu le 28 mars, avant même qu’elle eût rendu compte des élections. Dès le premier jour, on s’aperçut de ses luttes intestines. Le comité de la garde nationale ne s’était point effacé devant elle, comme il l’avait promis, et probablement parce qu’il l’avait promis. Assi le représentait au sein de la commune ; c’est ce qui lui attira sans doute le désagrément d’une incarcération de quelques jours. Dans la commune même, il y avait une droite et une gauche ; la droite se retira assez promptement, épouvantée d’une solidarité inacceptable pour des honnêtes gens. Non-seulement les membres élus dans les quartiers dissidens donnèrent leur démission ; mais bientôt MM. Ranc et Ulysse Parent, les fougueux de la veille, imitèrent MM. Desmarest et Leroy. Le parti franchement socialiste et dictatorial l’emportait de plus en plus, quitte à se diviser le lendemain ; il était facile d’en juger par les décrets qui pleuvaient comme grêle sur la malheureuse ville de Paris.

Le nouveau gouvernement s’était partagé en plusieurs commissions qui réglaient les finances, la guerre, la justice, les subsistances, le travail et les échanges, les services publics, l’enseignement, la sûreté générale, les affaires étrangères ; il s’était aussi donné une commission exécutive. Chacune de ces commissions, excepté la dernière, qui ne quittait pas l’Hôtel de Ville, avait son délégué au ministère correspondant. Toutes ensemble délibéraient sur la chose publique avec l’ordre et la bonne entente qui ont été révélés depuis lors par les procès-verbaux du Journal officiel. Toute cette organisation fut brisée par l’institution du comité de salut public, enlevée vers le commencement de mai par un coup de majorité qui annula la commune proprement dite. La dictature jacobine prenait ainsi sa revanche sur l’Internationale, pour s’effacer bientôt devant le comité central. Raoul Rigault, dans son vote motivé, a donné la vraie signification de cette révolution intérieure par ces mots : « je vote pour le comité de salut public, parce que j’espère qu’il sera en 1871 ce que l’on croit à tort qu’a été le comité de salut public de 1793. »

Les municipalités dépendaient directement de la commune, qui mettait à la tête de chacune d’elles l’un de ses membres. Celui-ci s’adjoignait une commission choisie à sa guise qui régentait souverainement le quartier à la place des maires élus par le suffrage universel. Comme ceux-ci émanaient d’une élection régulière, ils avaient pour la commune un caractère de légalité qu’elle ne pouvait tolérer sans se condamner elle-même : elle les avait tous révoqués. La préfecture de police, avec ou sans le concours de la commission de sûreté générale, a toujours formé une autorité à