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étagée, de couleur noire avec les deux plus grandes pennes d’un bleu d’acier brillant ; c’est une ravissante créature.

Les insectes du Thibet oriental n’offrent pas moins d’intérêt que les grands animaux. On reconnaît plusieurs des beaux lépidoptères de l’Asie centrale ; ensuite on remarque quelques types jusqu’à présent demeurés inconnus, et l’on voit avec un certain étonnement divers papillons qui ressemblent à ceux de nos bois et de nos campagnes. Les insectes recueillis dans la principauté de Mou-pin n’ont pas en général l’éclat de beaucoup d’espèces de l’Inde ou de la Chine méridionale. Des proportions médiocres, des teintes douces ou même un peu ternes, attestent que ces êtres vivent sous un climat assez froid. Il paraît tout naturel de trouver parmi les insectes de ce pays des formes ou semblables ou presque pareilles à celles qu’on rencontre sur les pentes méridionales du Thibet et de l’Himalaya ; mais ce qui frappe au plus haut degré, c’est une multitude d’espèces à peine différentes de celles d’Europe et appartenant absolument aux mêmes genres. M. Adolphe Brongniart a reconnu, d’après un examen de l’herbier envoyé par l’abbé David, que beaucoup de plantes du Thibet oriental ont avec nos plantes indigènes un caractère de parenté analogue.

Le père Armand David, brisé par les fatigues, mais nullement abattu, conçoit encore l’idée de nouvelles entreprises. Encouragé par les découvertes qu’il vient de faire dans la principauté thibétaine de Mou-pin, il porte avec envie le regard sur toute la ceinture occidentale de la Chine, et voit en rêve la foule des trésors qui restent à conquérir pour la science. À la date du 24 juin 1869, il projetait une excursion dans le Kou-kou-noor, à une vingtaine de journées au nord-ouest de Mou-pin. Un sujet de tentation venait de s’offrir : on avait amené de cette région, pour être donnés au savant lazariste, deux individus vivans d’un crossoptilon plus beau que tous les autres. « L’oiseau, dit notre infatigable explorateur, a le corps d’une magnifique teinte ardoisée bleuâtre, le bec d’un rouge clair marqué de brun vers la base, les plumes noires et veloutées de la tête séparées des plumes ardoisées du cou par une petite raie blanche, le bout des grandes pennes de la queue d’un noir brillant à reflets verts ou violets, les pennes latérales blanches, et enfin les pattes rouges[1]. » On n’imaginerait pas une créature mieux parée. En regardant la multitude des êtres rassemblés dans nos galeries d’histoire naturelle, on croirait épuisées toutes les combinaisons de formes, tous les assemblages de couleurs, tous les genres de beauté, et cependant des découvertes inattendues viennent encore nous four-

  1. L’abbé David le nomme Crossoptilon cœrulescens.