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Dans son rapport, M. Devinck, président de la Société d’encouragement pour les études des ouvriers à l’exposition de 1867, résumait et appuyait les argumens présentés par les délégués. Il insistait surtout sur ce point, que d’ordinaire, dans les conflits industriels, on voit surgir de part et d’autre un certain nombre de délégués dont ni le mandat, ni la responsabilité ne sont bien définis, et qui se croient ou se disent autorisés à parler au nom de tous. Quelle confiance accorder à ces négociateurs ? Qui les a nommés ? Jusqu’à quel point engagent-ils leurs mandans ? « Une chambre syndicale, disait M. Dovinck, présente des avantages incontestables. Des hommes choisis comme les plus capables avant la naissance de la difficulté, agissant ouvertement, tenus de rendre compte de leur mandat, offrent bien plus de garanties que d’autres, désignés précipitamment au moment de l’effervescence, se concertant en secret, et n’encourant aucune responsabilité morale. »

Tout esprit réfléchi reconnaîtra la valeur de ces argumens, et nous ne pensons pas qu’il soit besoin d’insister davantage sur cette partie en quelque sorte théorique de la question. Reste la question pratique, la question de l’organisation des chambres syndicales au point de vue de l’arbitrage et de la conciliation. Cette question ne pourra être complètement résolue dans les détails que par l’expérience, après avoir été élucidée au préalable par les discussions des chambres syndicales des patrons et des ouvriers. Indiquons cependant comment les conseils de prud’hommes français et les conseils de conciliation anglais fourniraient d’utiles antécédens.

Pour se conformer aux principes suivis par ces deux institutions, les chambres syndicales d’ouvriers et de patrons devraient choisir respectivement dans leur sein un certain nombre de membres (six ou sept) qui, en se réunissant aux membres élus par l’autre chambre, formeraient une assemblée de douze ou quatorze personnes. Cette assemblée élirait elle-même son président, et formerait un conseil de conciliation et d’arbitrage analogue à celui de Nottingham. Ce conseil conférerait à trois ou quatre de ses membres le soin de constituer tous les ans un comité ayant mission de concilier pour ainsi dire en premier ressort les dissentimens entre ouvriers et patrons. Si cette première tentative de conciliation échouait, une réunion générale du conseil arbitral serait provoquée, et proposerait une solution. En cas de partage égal des votes, on pourrait, comme les conseils anglais, s’en référera l’arbitrage d’un membre pris en dehors des deux chambres, et chargé de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. La sentence d’arbitrage n’entraînerait aucune obligation légale pour les parties ; la seule sanction du jugement porté serait la pression de l’opinion publique, sanction puissante, et qui chaque